Jusqu’où doivent aller les marques dans la suggestion d’un style de vie. Hier styles, aujourd’hui valeurs, et demain, des comportements ?
Les entreprises ne se
cantonnent plus à leur seul rôle économique. Sous la pression des ONG
et des consommateurs, elles sont de plus en plus nombreuses à investir
les questions citoyennes et à s’engager. Un exercice incontournable
mais risqué.
Du
bio dans les cantines des ministères, c’est bien. Du bio dans les
cantines scolaires, c’est mieux ! Signez la pétition. » Depuis le 18
février, cette campagne militante a déjà convaincu plus de 7
000 signataires. Digne d’une association de consommateurs ou de parents
d’élèves, cette opération de lobbying menée en pleine campagne pour les
élections municipales est en fait signée par une marque, Les 2 Vaches
des fermiers du bio, qui n’est autre que la gamme de yaourts
biologiques du groupe Danone, lancée en septembre 2006. L’intrusion des
marques dans le débat public n’est certes pas récente, mais le nouvel
activisme de certaines d’entre elles annonce un tournant bien plus
radical qu’il n’y paraît pour la communication citoyenne des
entreprises.
« Les marques sont passées par trois phases »,
analyse Nicolas Bard, « managing partner » de l’agence Né Kid. La
première se résumerait à de simples campagnes publicitaires de soutien,
ou de dénonciation pour les plus audacieuses. La deuxième passe souvent
par la création d’une fondation, une démarche plus concrète mais qui
reste distanciée par rapport à l’entreprise et à ses marques. Enfin, la
troisième phase privilégie un engagement direct, assumé par une
communication spécifique. Un cheminement que ne renierait pas l’un des
pionniers de cette « communication de combat », à savoir Benetton.
Après avoir joué la carte de la provocation dans les années
quatre-vingt-dix avec les campagnes d’Oliviero Toscani, la marque
italienne de prêt-à-porter s’est lancée depuis 2001 dans une stratégie
plus mesurée mais plus engagée, comme en témoigne son actuelle campagne
mondiale, « Africa Works », consacrée à Birima, une société de crédit
coopératif fondée par le chanteur Youssou N’Dour au Sénégal (lire
l’entretien en p. 9).
analyse Nicolas Bard, « managing partner » de l’agence Né Kid. La
première se résumerait à de simples campagnes publicitaires de soutien,
ou de dénonciation pour les plus audacieuses. La deuxième passe souvent
par la création d’une fondation, une démarche plus concrète mais qui
reste distanciée par rapport à l’entreprise et à ses marques. Enfin, la
troisième phase privilégie un engagement direct, assumé par une
communication spécifique. Un cheminement que ne renierait pas l’un des
pionniers de cette « communication de combat », à savoir Benetton.
Après avoir joué la carte de la provocation dans les années
quatre-vingt-dix avec les campagnes d’Oliviero Toscani, la marque
italienne de prêt-à-porter s’est lancée depuis 2001 dans une stratégie
plus mesurée mais plus engagée, comme en témoigne son actuelle campagne
mondiale, « Africa Works », consacrée à Birima, une société de crédit
coopératif fondée par le chanteur Youssou N’Dour au Sénégal (lire
l’entretien en p. 9).
Fini le marketing « folklorique »
Pour
les spécialistes de la communication et des stratégies de marque,
investir le débat public est une évidence. « Une entreprise n’est pas
une entité qui se développe hors sol, déconnectée de son environnement
immédiat», rappelle Natalie Rastoin, directrice générale d’Ogilvy
France, dont le réseau a signé l’une des campagnes militantes les plus
marquantes de ces dernières années : celle de Dove (« Pour toutes les
beautés ») déclinée au travers de sa Fondation de l’estime de soi. De
nombreuses grandes entreprises se sont construites sur une tentative de
réponse à un problème de société. Ainsi, la Caisse d’épargne est née de
l’envie philanthropique de La Rochefoucauld d’inciter les ouvriers à
épargner. Et si le pharmacien Henri Nestlé a élaboré le premier aliment
industriel pour nourrisson, c’est parce que la moitié de ses frères et
sœurs étaient morts en bas âge de malnutrition. »
Plus
catégorique encore, Laurent Habib, président d’Euro RSCG C & O,
estime que « les marques sont des acteurs idéologiques à part entière.
Leur poids est déterminant dans des questions aussi diverses que
l’environnement ou la représentation des jeunes et des femmes. » La
liste est longue en effet de leur intervention sur des sujets de
société : E.Leclerc et le pouvoir d’achat, BNP Paribas et l’emploi dans
les banlieues, la SNCF et l’accessibilité pour les handicapés, Manpower
et la politique de l’emploi, Accor et Air France dans la lutte contre
la prostitution infantile, etc.
Du coup, les quelques «
entreprises militantes » que l’on a longtemps présentées comme des cas
marketing atypiques, voire folkloriques, telles Patagonia, Ben &
Jerry’s ou Body Shop, se voient peu à peu rattrapées par un mouvement
de fond. « Sans compter que l’impuissance politique – la parenthèse de
la présidentielle semblant déjà tourner court – offre un boulevard aux
entreprises qui sont perçues par les Français comme plus à même de
répondre au déficit de pédagogie qu’ils ressentent, notamment sur le
thème de la mondialisation », analyse Denis Muzet, président de
l’Observatoire du débat public.
Face à la pression du citoyen et
du consommateur, les entreprises ne pourraient donc plus rester neutres
et se retrancher derrière la législation en vigueur. Certaines, même,
n’hésitent pas à devancer les lois ou à lancer le débat. Témoin, la
campagne des 2 Vaches, déjà citée, ou celle de la société d’intérim
Adia qui, en 2004, dénonçait déjà la discrimination à l’emploi. « Pour
autant, l’engagement citoyen n’est pas un marketing de la demande mais
de l’offre. Il faut que cela soit un combat volontaire de la marque »,
prévient Anne Thévenet-Abitbol, directrice prospective chez Danone.
Autant dire que cela risque de bouleverser les repères des marketeurs.
« Il faut faire avant de dire, communiquer de façon intelligente et
ciblée, sûrement pas de manière trop ostensible, et ne prendre la
parole qu’après avoir mené une concertation avec les différentes
parties prenantes », résume Laurent Terrisse, directeur de TBWA
Corporate Non Profit.
catégorique encore, Laurent Habib, président d’Euro RSCG C & O,
estime que « les marques sont des acteurs idéologiques à part entière.
Leur poids est déterminant dans des questions aussi diverses que
l’environnement ou la représentation des jeunes et des femmes. » La
liste est longue en effet de leur intervention sur des sujets de
société : E.Leclerc et le pouvoir d’achat, BNP Paribas et l’emploi dans
les banlieues, la SNCF et l’accessibilité pour les handicapés, Manpower
et la politique de l’emploi, Accor et Air France dans la lutte contre
la prostitution infantile, etc.
entreprises militantes » que l’on a longtemps présentées comme des cas
marketing atypiques, voire folkloriques, telles Patagonia, Ben &
Jerry’s ou Body Shop, se voient peu à peu rattrapées par un mouvement
de fond. « Sans compter que l’impuissance politique – la parenthèse de
la présidentielle semblant déjà tourner court – offre un boulevard aux
entreprises qui sont perçues par les Français comme plus à même de
répondre au déficit de pédagogie qu’ils ressentent, notamment sur le
thème de la mondialisation », analyse Denis Muzet, président de
l’Observatoire du débat public.
du consommateur, les entreprises ne pourraient donc plus rester neutres
et se retrancher derrière la législation en vigueur. Certaines, même,
n’hésitent pas à devancer les lois ou à lancer le débat. Témoin, la
campagne des 2 Vaches, déjà citée, ou celle de la société d’intérim
Adia qui, en 2004, dénonçait déjà la discrimination à l’emploi. « Pour
autant, l’engagement citoyen n’est pas un marketing de la demande mais
de l’offre. Il faut que cela soit un combat volontaire de la marque »,
prévient Anne Thévenet-Abitbol, directrice prospective chez Danone.
Autant dire que cela risque de bouleverser les repères des marketeurs.
« Il faut faire avant de dire, communiquer de façon intelligente et
ciblée, sûrement pas de manière trop ostensible, et ne prendre la
parole qu’après avoir mené une concertation avec les différentes
parties prenantes », résume Laurent Terrisse, directeur de TBWA
Corporate Non Profit.
Attention à la crédibilité
Ces
nouvelles perspectives offertes aux marques dans leurs relations avec
les consommateurs ne sont pas sans risques. Ces derniers ne sont pas
dupes. Ils sanctionnent celles qui ne sont pas sincères ou qui se
contentent de suivre la mode. En l’espèce, le secteur automobile,
notamment, n’est pas toujours exemplaire. Quand Renault annonce la
sortie de son premier 4×4 Koleos quelques mois après avoir lancé à
grand renfort de publicité son nouveau label écologique Éco2, la
cohérence, pour ne pas dire la crédibilité de la marque, en prend un
sacré coup.
Pour autant, volontarisme et sincérité ne suffisent
pas. « Attention aux démarches un peu trop liées à une finalité
commerciale », conseille Serge Michels, directeur général de l’agence
Protéines. De fait, le cas des 2 Vaches n’est pas totalement dénué
d’opportunisme… Même si la marque bio de Danone, elle, peut s’appuyer
sur son historique, notamment avec Stonyfield Farm, filiale du groupe
créée au début des années quatre-vingt par deux militants écologistes
pour financer une école d’agriculture biologique.
Mais, quand
une marque n’a pas ce capital de départ, elle ne doit pas oublier de le
bâtir. Et cela demande du temps. « C’est une obligation », estime
Muriel de Lamarzelle, directrice de la communication de Marithé &
François Girbaud qui, depuis l’été dernier, associe à ses campagnes
publicitaires l’association Seeds of Peace, favorisant le dialogue
entre les jeunes issus de régions du monde en conflit. « Dans les
prochaines années, une entreprise qui ne mènera pas une action
citoyenne sera boycottée, au moins inconsciemment, par les
consommateurs », assure-t-elle. Vous voilà prévenus.
pas. « Attention aux démarches un peu trop liées à une finalité
commerciale », conseille Serge Michels, directeur général de l’agence
Protéines. De fait, le cas des 2 Vaches n’est pas totalement dénué
d’opportunisme… Même si la marque bio de Danone, elle, peut s’appuyer
sur son historique, notamment avec Stonyfield Farm, filiale du groupe
créée au début des années quatre-vingt par deux militants écologistes
pour financer une école d’agriculture biologique.
une marque n’a pas ce capital de départ, elle ne doit pas oublier de le
bâtir. Et cela demande du temps. « C’est une obligation », estime
Muriel de Lamarzelle, directrice de la communication de Marithé &
François Girbaud qui, depuis l’été dernier, associe à ses campagnes
publicitaires l’association Seeds of Peace, favorisant le dialogue
entre les jeunes issus de régions du monde en conflit. « Dans les
prochaines années, une entreprise qui ne mènera pas une action
citoyenne sera boycottée, au moins inconsciemment, par les
consommateurs », assure-t-elle. Vous voilà prévenus.
Source : Strategies

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