Un mort à Abidjan, en Côte d’Ivoire, mardi 1er
avril, plusieurs dizaines de manifestants incarcérés au Sénégal lundi
31 mars, ainsi qu’au Burkina Faso, et au Cameroun dans les jours
précédents : la liste s’allonge de protestations plus ou moins
pacifiques "contre la vie chère". En 2007, c’était au Mexique et au Maroc.
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Car "la vie chère", c’est l’explosion
des prix alimentaires sous l’effet de la hausse générale des matières
premières agricoles : selon l’Organisation des Nations unies pour
l’alimentation et l’agriculture (FAO), ils ont augmenté de près de 40 %
en 2007 au niveau mondial. Le blé (au plus haut depuis vingt-huit ans),
le maïs, le riz, le soja, le colza ou l’huile de palme ont vu doubler,
voire tripler, en deux ans leurs cours au grand dam des populations
pauvres dont les revenus ne progressaient pas autant.
Par la voix
de son président, Robert Zoellick, la Banque mondiale a décrété,
mercredi 2 avril, qu’il fallait de toute urgence lancer un "new deal" alimentaire pour éviter que 33 pays connaissent des troubles politiques et sociaux.
Des causes multiples. Ces
hausses sont dues à une demande accrue des pays émergents suscitée par
la poussée démographique, mais aussi par une hausse du niveau de vie en
Asie. Le monde agricole n’a pas pu suivre cette poussée de la demande,
car les terres se raréfient en raison de l’urbanisation accélérée, en
Chine comme en Inde, et à cause d’une productivité agricole toujours
insuffisante dans les pays en développement. Le réchauffement
climatique contribue à aggraver les phénomènes de sécheresse ou
d’inondation qui détruisent les récoltes. La hausse des prix de
l’énergie a provoqué celle des intrants (semences, pesticides, engrais).
L’utilisation
des céréales, de la canne à sucre et des oléagineux pour la fabrication
d’agrocarburants a encore aggravé la situation. La spéculation a
profité de ces tensions pour jouer les prix agricoles à la hausse et
placer des capitaux sur ces marchés devenus un refuge contre les
fluctuations du dollar ou contre l’inflation renaissante.
Le riz, dont le prix a augmenté de 30 % en deux semaines – "du jamais-vu", selon
Patricio Mendez del Villar, chercheur au Centre de coopération
internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad)
-, est un cas d’école : ce petit marché subit les aléas climatiques de
l’Australie et les réactions protectionnistes de la Thaïlande, du
Vietnam, de l’Inde, de l’Egypte, etc. Les fonds d’investissement en ont
donc fait un "véhicule" spéculatif de choix depuis trois mois. Aux
Philippines, à Madagascar, au Sénégal, la colère populaire enfle.
Des
populations particulièrement fragiles. Contrairement aux pays
occidentaux où la part de l’alimentation dans les revenus des ménages
atteint 10 % à 20 %, elle est de 60 % à 90 % dans les pays pauvres.
L’augmentation des cours des céréales y est par conséquent plus
sensible, surtout pour les urbains, qui ne produisent pas de denrées.
Les
pays eux-mêmes sont plus ou moins fragilisés, selon leurs dépenses pour
les importations de blé, de riz ou de maïs, bases de l’alimentation
mondiale. Parmi eux, ceux que la FAO appelle les pays à faible revenu
et déficit vivrier (PFRVD), souvent situés en Afrique, sont dans des
situations très difficiles. Si le volume de leurs importations pourrait
légèrement diminuer en 2008, du fait de bonnes récoltes, l’envolée des
céréales et du fret devrait tout de même alourdir leur facture de 35 %,
pour la deuxième année consécutive. Et de 50 % en Afrique, notamment au
Maroc, au Lesotho et au Swaziland.
Des remèdes à double tranchant. Pour
sécuriser leurs approvisionnements en denrées à prix accessibles aux
consommateurs, les Etats, quand ils en ont les moyens, ont pris
différents types de mesures, en jouant sur la production, les
exportations ou les importations. Mais les marchés agricoles étant très
petits (seulement 17,2 % des volumes totaux de blé sont échangés sur le
marché mondial, 12,5 % du maïs, 7 % du riz), chaque décision crée, par
ricochet, davantage de tensions ailleurs.
La FAO s’alarme de telles initiatives. "Ce n’est pas avec des décisions unilatérales que le problème se réglera", déclarait son directeur général, Jacques Diouf, fin janvier dans Le Monde, appelant les Etats à prendre des décisions stratégiques en matière d’alimentation mondiale, mais collectivement.
Où produire plus ? Sachant
que, dans les pays développés, la productivité et les surfaces sont à
leur plus haut niveau, la Banque européenne pour la reconstruction et
le développement (BERD) et la FAO ont appelé, mi-mars, les pays
d’Europe de l’Est et de la Communauté des Etats indépendants – Russie,
Ukraine et Kazakhstan particulièrement -, à doper leur production. Leur
potentiel est important : près de 23 millions d’hectares de terres
arables n’y sont plus utilisés pour l’agriculture depuis quelques
années, et 13 millions pourraient être récupérés sans "coût environnemental majeur". Mais tout est question d’investissement des secteurs publics et privés.
L’Amérique
du Sud est l’autre réservoir foncier potentiel et pour toutes les
cultures ; par exemple, on estime à quelque 20 millions d’hectares les
superficies qui pourraient être mises en culture au Mato Grosso
brésilien. Cette extension ne pourrait se faire qu’au détriment de la
forêt amazonienne et devrait donner lieu à des débats sur les
équilibres écologiques.
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Pour aller plus loin, tu peux voir et télécharger le rapport d’innovation courts circuits sur l’alimentation responsable
Il a été présenté lors de les aperos du jeudi du mois de mars : la SOIRÉE VERTE

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