L’architecture régénérative propose une nouvelle relation à soi, aux autres et la nature qui s’incarne dans des espaces de vie partagés avec le non humain

Parc forestier de Benjakitti, Bangkok, Thaïlande – Crédit Photo Turenscape –

C’est quoi la régénération ? La régénération est un chemin. La régénération c’est la capacité du vivant à atteindre sa pleine capacité dans son milieu de vie. Aprés une phase de conformité et de réduction des impacts négatifs les entreprises sont en croissance en triple impacts : économique, environnementale et sociale. Elle contribuent de part leur activité à la prospérité des territoires.lire la présentation de nous sommes vivants Et quels sont les imaginaires de l’écologie (avec planches illustrées y compris dans l’architecture régénérative) ICI

La théorie

Dans la planification et l’aménagement urbain, l’idée de relier le fonctionnement des systèmes urbains et celui des systèmes écologiques dans le but d’en tirer des bénéfices pour la société remonte au XIXe siècle, avec les travaux des chercheurs et praticiens américains et anglais comme George Perkins Marsh, John Wesley Powell, Patrick Guedes, Sir Howard Ebenezer et Frederick Law Olmsted9. Ces travaux ont été pionniers dans la compréhension des processus écologiques et dans son application dans le projet urbain, avec un objectif d’augmenter la qualité de vie des populations humaines. Par exemple, la pratique urbaine et paysagère de Frederick Law Olmsted (1822-1903) marque un moment important dans l’évolution de cette thématique. Dans plusieurs de ses travaux, comme le Central Park à New York et le Yosemite Valley Park en Californie, Olmsted a proposé une nature de proximité, intégrée dans l’aménagement des espaces urbains, avec une conception appuyée sur la compréhension des aspects écologiques et esthétiques de cette nature

Dans son livre Design With Nature (1969), MacHarg a fait valoir qu’une compréhension approfondie des processus écologiques locaux est fondamentale avant de se lancer dans la conception de tout projet urbain ou paysager. Pour cela, il propose une méthode de diagnostic préalable à la conception du projet (Ecological Method). Celle-ci s’appuie sur des inventaires des écosystèmes, organisés et analysés selon un modèle en couches qui superpose les facteurs écologiques pertinents pour créer une lecture et compréhension des écosystèmes.

L’architecture régénérative a été définie pour la première fois en 1976. Lorsque Wiley a publié le livre de Lyle sur « Conception régénérative pour le développement durable ». John T. Lyle croyait en des conceptions innovantes qui brisaient les normes traditionnelles de l’architecture, de manière à ce que les ressources puissent être renouvelées sans épuiser les ressources naturelles. Le livre est le premier à définir les idées et les méthodologies de la conception régénérative. 

Dans le milieu académique, plusieurs discussions mettent en valeur le changement de paradigme dans la conception du projet apporté par le regenerative design. Cole (2012) par exemple, promeut le regenerative design comme une approche de conception que favorise la coévolution des systèmes humains et naturels dans une relation de partenariat, et non plus de concurrence. L’auteur met aussi l’accent sur l’importance de la notion du « lieu » et de ses spécificités dans le processus de conception, le projet doit être ancré dans cette réalité pour se régénérer et apporter des bénéfices aux systèmes sociaux, écologiques et économiques. Finalement, Cole présente le regenerative design comme une alternative aux pratiques de conception et évaluation des projets urbains durables basés sur des approches mécaniques, comme les labels LEED. Dans la même lignée, Du Plessis, discute le regenerative design dans une optique plus large, comme un concept qui fait progresser la notion de développement durable appliqué à l’architecture et l’urbanisme. Du Plessis utilise la notion de « changement de paradigme régénératif » (regenerative paradigm shift) pour mettre en évidence le besoin de nouvelles compréhensions du développement durable et passer à une vision holistique et systémique du monde et des systèmes vivants. Source : Le projet urbain régénératif : un concept en émergence dans la pratique de l’urbanisme.  Eduardo Blanco, Kalina Raskin and Philippe Clergeau 

La signification de la conception durable, telle que représentée dans le diagramme ci-dessus, repose sur le concept selon lequel elle ne nuit pas à la nature et sans dépasser la quantité requise. Le design durable est désormais considéré comme un concept obsolète basé sur l’idée qu’il existe simplement un besoin quelconque pour maintenir notre existence, nos commodités, nos routines et nos environnements. Alors que l’humanité continue d’utiliser les ressources, il est certain que ces ressources finiront par s’épuiser ou disparaître. La conception durable est un moyen de réduire l’impact négatif sur l’environnement en improvisant l’efficacité des bâtiments, mais la gravité des dommages causés à l’environnement ces dernières années a été catastrophique. Pour cette raison, il est nécessaire de penser à concevoir de manière à ce qu’il dure non seulement pendant des années, mais qu’il se rétablisse tout seul pour ne causer aucune perte. La conception régénérative, cependant, est un moyen de vie qui nous a permis d’utiliser les ressources dont nous avons besoin et de reconstituer ces ressources. Les pratiques régénératives identifient comment les systèmes naturels comme notre environnement ont été affectés en raison de diverses formes de pollution, et les techniques appliquées ont contribué à restaurer systèmes pour améliorer la productivité. Source « Architecture régénérative : une étape innovante au-delà de la durabilité » par Prisha Shinde.

Les actions régénératrices et durables se chevauchent. La conception régénérative souligne davantage l’importance de la régénération de la biodiversité que de la préservation de celle çi. La conception régénérative aide à réaliser que les humains font partie des écosystèmes naturels. Par conséquent, exclure les gens revient à créer des zones densément peuplées qui détruisent ou dépassent les limites des poches d’écosystèmes existants. Les humains dépendent directement ou indirectement de l’environnement. Les humains ont besoin d’eau pour étancher leur soif, d’air pour respirer, d’une atmosphère confortable pour vivre et de nourriture pour obtenir et maintenir l’énergie ainsi que de charbon, d’eau ou de vent pour produire de l’électricité. Alors que de nombreux organismes dans la nature doivent interagir avec d’autres organismes dans leur environnement, ils peuvent avoir besoin d’autres organismes pour rester en vie.

Selon Pamela Mang, le design régénératif marque une évolution significative du concept de design responsable. Les pratiques de conception durable se sont principalement concentrées sur la minimisation des dommages causés à l’environnement et à la santé humaine, et sur une utilisation plus efficace des ressources, ralentissant ainsi la dégradation des systèmes naturels de la terre. Les partisans d’une approche régénératrice de l’environnement bâti estiment qu’une approche systémique globale beaucoup plus profondément intégrée de la conception et de la construction des bâtiments et des établissements humains (et de presque toutes les autres activités humaines) est nécessaire.

Les approches régénératives cherchent non seulement à inverser la dégénérescence des systèmes naturels de la terre, mais également à concevoir des systèmes humains capables de co-évoluer avec les systèmes naturels – évoluer d’une manière qui génère des bénéfices mutuels et une plus grande expression globale de la vie et de la résilience. Elles s’inspirent des capacités d’auto-guérison et d’auto-organisation des systèmes vivants naturels. 

L’architecture régénérative permet d’améliorer notre qualité de vie en nous reconnectant à la nature et en permettant de multiples interactions mutuellement bénéfiques au sein de celle ci. L’architecture régénérative se déploie dans des espaces qui permettent une expérience directe de la lumière, de l’air, de l’eau, des plantes, des animaux au coeur des écosystèmes naturels. L’hypothèse sous jacente à sa genèse c’est que les humains ont une affinité innée pour la nature et que leur connexion à celle ci est importante aussi bien pour leur santé physique que mentale. La contribution positive des humains est possible, chacun de nous peut contribuer à la régénération de la nature depuis chez soi ou au travail, dans sa ville ou village.

L’architecture régénératrice se base également sur le développement communautaire, avec la nécessité de planifier dans une direction qui encourage les populations dangereuses ou marginalisées, favorise un hébergement à un prix réalisable et place les questions d’équité sociale au premier plan des considérations de conception. source

Pour passer à l’action

Nous avons aussi développé le business model canvas de l’entreprise régénérative pour permettre aux entreprises de prendre leurs responsabilités face au dépassement des limites planétaires et en particulier la prédation du vivant. Au delà des stratégies d’adaptation des activités économiques, il est urgent de restaurer la biocapacité des écosystèmes exploités à se renouveler et de tisser des relations bénéfiques pour y parvenir. En savoir plus https://noussommesvivants.co/le-business-model-canvas-de-l-entreprise-regenerative-2/
Régénérer le vivant, la nature, les humains c’est la raison d’être du collectif de la transition écologique nous sommes vivants. https://noussommesvivants.co/

 

Des exemples d’architecture régénérative

A la naissance de ce mouvement architectural (et d’urbanisme) régénératif, se trouve l’architecture biophilique. La « biophilie » a été inventée pour la première fois par Edward O Wilson, écologiste de Harvard, qui a observé « l’affiliation émotionnelle innée des êtres humains à d’autres organismes vivants ». Pourtant, notre désir d’être proche de la nature pour notre santé et notre bien-être n’est pas nouveau. Ingénieurs, architectes et artistes, de Léonard de Vinci à Hogarth, se sont efforcés d’exploiter les avantages du monde naturel dans leurs conceptions. 
Puisque notre l’habitat est aujourd’hui en grande partie un environnement bâti, où nous passons désormais 90 % de notre temps, le design biophilique cherche à satisfaire notre besoin inné de nous associer à la nature dans les bâtiments et les villes modernes. Ainsi, l’objectif fondamental de la conception biophilique est de créer un meilleur lieu de vie pour les personnes en tant qu’organismes biologiques habitant des structures, des paysages et des communautés modernes. A l’instar de l’agriculture régénérative dont les fondements sont clairs mais la définition stricte est débattue, l’architecture régénérative qui prend source dans l’architecture biophilique reste à clarifier. LIre l’article sur l’agriculture régénérative
Stephen R. Kellert a tout de même posé un ensemble de cinq conditions pour la pratique efficace du design biophilique dans « the practice of biophilic design). Chacune souligne ce qui EST et N’EST PAS une conception biophilique :
– La conception biophilique met l’accent sur les adaptations humaines au monde naturel qui, au fil de l’évolution, se sont révélées essentielles à l’amélioration de la santé, de la forme physique et du bien-être des individus. Les expositions à la nature sans rapport avec la productivité et la survie humaines ont peu d’impact sur le bien-être humain et ne constituent pas des exemples efficaces de conception biophilique.
– La conception biophilique dépend d’un engagement répété et soutenu avec la nature. Une expérience occasionnelle, transitoire ou isolée de la nature n’exerce que des effets superficiels et éphémères sur les personnes et peut même parfois s’opposer à la promotion de résultats bénéfiques.
– La conception biophilique nécessite de renforcer et d’intégrer des interventions de conception qui se connectent au cadre ou à l’espace global. Le fonctionnement optimal de tous les organismes dépend de l’immersion au sein d’habitats où les différents éléments constituent un tout complémentaire, renforçant et interconnecté. Les expositions à la nature dans un espace déconnecté – comme une plante isolée, une image hors contexte ou un matériau naturel en contradiction avec d’autres caractéristiques spatiales dominantes – ne constituent PAS une conception biophilique efficace.
– Le design biophilique favorise les attachements émotionnels aux environnements et aux lieux. En satisfaisant notre tendance inhérente à nous associer à la nature, le design biophilique engendre un attachement émotionnel à des espaces et des lieux particuliers. Ces attachements émotionnels motivent la performance et la productivité des gens et nous incitent à nous identifier aux lieux que nous habitons et à les soutenir.
– La conception biophilique favorise les interactions et les relations positives et durables entre les personnes et l’environnement naturel. Les humains sont une espèce profondément sociale dont la sécurité et la productivité dépendent d’interactions positives dans un contexte spatial. Une conception biophilique efficace favorise les liens entre les personnes et leur environnement, renforçant les sentiments de relation et le sentiment d’appartenance à une communauté significative.
Le bâtiment Mitosis a été créé selon des principes biophiliques, reliant l’architecture à la nature afin d’améliorer la qualité de vie des personnes qui l’utilisent. L’ambition de GG-loop d’amener ces qualités à plusieurs échelles a abouti à Mitosis. Le nom Mitosis fait référence au processus biologique d’une seule cellule se divisant en deux cellules filles identiques. Il représente la modularité et l’adaptation à long terme du système et sert de métaphore à un organisme de co-living flexible où chaque unité d’habitation coexiste en symbiose avec toutes les autres et son environnement. Les habitants font l’expérience d’un mode de vie unique et répondent à leur désir inné de renouer avec la nature. Exposés à des espaces verts partagés, de minuscules forêts et des jardins qui montent et descendent en cascade sur tout le bâtiment, les habitants peuvent bénéficier du lien direct et indirect avec la nature. La santé et le bien-être sont favorisés par des choix judicieux des matériaux, des aménagements flexibles, des intérieurs organiques et de grands espaces extérieurs. En choisissant consciemment des matériaux qui captent le carbone et en utilisant les ressources plus efficacement, Mitosis construit un environnement bâti net positif qui produit plus d’énergie qu’il n’en consomme et utilise les ressources de manière circulaire.
Adapté aussi bien aux espaces publics que privés, le design biophilique vise à améliorer le bien-être mental et physique en intégrant un lien avec le monde naturel dans l’architecture et l’aménagement intérieur. La recherche confirme que les éléments naturels dans un intérieur favorisent le bonheur, le bien-être, la créativité et la productivité, réduisent le stress et améliorent la récupération. Par exemple, le rapport « Human Spaces – The Global Impact of Biophilic Design on the Workplace » (Espaces humains – L’impact global du design biophilique sur le lieu de travail) montre que les gens peuvent travailler de manière 6 % plus productive en incorporant des éléments naturels, tels que le soleil et la verdure, dans les intérieurs. Dans le même temps, selon la même étude, la créativité et le bien-être perçu augmentent de 15 %. Stanley House, un établissement spécialisé dans les soins complexes neurologiques situé dans le Herefordshire, a été conçu pour intégrer des « cours de guérison » directement liées aux pièces individuelles du bâtiment, reliant l’extérieur et l’intérieur. source

Au moment de choisir un endroit où cultiver des algues, la devanture d’un immeuble n’est a priori pas la première idée qui vient. La biofaçade du Centre scientifique et technique du bâtiment à Champs-sur-Marne (77) fête pourtant ses deux premières années d’activités, avec ses 200 m² de bioréacteurs étalés sur quatre étages. Piloté par le consortium SymBIO2, auquel participe le laboratoire Génie des procédés – environnement – agroalimentaire, ce programme montre le potentiel fascinant de la production d’algues en milieu urbain. source

Grands caissons de verre high-tech, les bioréacteurs abritent des suspensions d’algues afin de les cultiver. Ils ajustent la température, le pH et les nutriments de manière entièrement automatisés et contrôlables à distance. La présence physique d’un spécialiste de la culture d’algues n’est ainsi pas nécessaire, ce qui réduit fortement les contraintes pour le choix de nouveaux sites. Au point que certains ont implanté ces cultures jusque sur des façades d’immeubles.

Le consortium SymBIO2 a en effet installé en 2016 huit bioréacteurs sur le bâtiment du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) à Champs-sur-Marne (77). Les algues bloquent les rayons du soleil en été et diminuent les besoins en climatisation, tout en pouvant consommer une partie du CO2 produit par le bâtiment, par exemple par les chaudières. Les échanges thermiques entre les deux permettent également des économies. La biofaçade vit ainsi une véritable symbiose avec son support, sans même compter l’exploitation commerciale de ses algues. 

Végétaliser est un moyen d’insuffler un élan communautaire dans l’espace urbain, de repenser l’égalité et le partage. L’école de 20 classes est un outil pédagogique grâce à un écosystème en toiture et un mur d’enceinte habité Issu d’une réflexion innovante, le bâtiment combine les deux programmes dans une enveloppe « vivante », devant accueillir diverses espèces de faune et de flore. Le défi est de créer un écosystème en toiture : une nature primitive, qui se prolonge dans la texture d’un mur d’enceinte habité. Nous prenons le parti de la fluidité en reliant les pleins et les vides, comme les différents niveaux topographiques en évitant au maximum les ruptures. Le bâtiment devient ainsi un morceau de territoire extrudé, un paysage en hauteur, dans lequel une nature indigène se développe librement –canopée urbaine– à l’abri, mais protégée par l’homme. Ce processus est une évolution naturelle qui prend du temps. L’aspect du bâtiment est soumis aux lois de la nature. Imbriquant les programmes d’une école primaire, d’un gymnase et d’un écosystème englobant les façades et la toiture, ce projet précurseur est à l’origine d’une réflexion sur l’accueil du vivant dans l’architecture et illustre un désir : celui du retour de la biodiversité au cœur des zones urbaines. https://www.chartier-dalix.com/fr/projets/groupe-scolaire-biodiversite-gymnase-boulogne-92

Cependant, les pratiques de construction biophiliques avec des matériaux écologiques et des espaces végétalisés ne constituent pas à elles seules un projet régénératif : c’est aussi une relation de partenariat entre le vivant et le non-vivant qui doit être créée.

En ce sens, l’accent mis sur le lieu reflète un désir d’intégrer dans la prise de décision une profonde compréhension de l’histoire unique d’un lieu. À cet effet, la première étape d’une pratique régénérative est la littératie écologique (Thorpe, 2007). Cette pratique amène les praticiens à utiliser des méthodes analytiques propres à la biologie pour comprendre un lieu.

En considérant les villes comme des organismes vivants, Mang (2012) considère qu’elles peuvent évoluer par elles-mêmes et s’inspirer des procédés scientifiques pour lire et comprendre ces systèmes. Ces procédés analytiques cherchent à anticiper leurs développements, leurs évolutions et leurs interactions avec leur écosystème.

Cette démarche est exemplifiée par le Center for Regenerative Studies, où la conception du bâtiment est réalisée à travers l’application de cinq principes fixés par Lyle (1994) : laisser la nature faire le travail ; considérer la nature comme modèle et contexte ; agréger les fonctions ; optimiser chaque fonction ; associer technologies et besoins. Durant la première phase d’étude du terrain, les architectes utilisent des représentations successives de l’environnement avec des clés de lecture différente (température, type de roches, type de végétation) pour faire en sorte que l’architecture soit cohérente avec son environnement. Ces modélisations régénératives ont abouti à la construction d’un bâtiment aux courbes similaires à des cellules humaines.

Ainsi, ce n’est pas le bâtiment qui est « régénéré » au même sens que les attributs d’autoguérison et d’auto-organisation d’un système vivant ; il s’agit de la manière dont l’acte de construire peut-être un catalyseur de changement positif à l’intérieur et ajouter de la valeur au « lieu » unique dans lequel il se trouve. Les pratiques régénératives emploient des processus collaboratifs afin de découvrir les histoires socioécologiques d’un lieu. Les membres de la communauté peuvent participer sur la durée à long terme d’un projet, de la conceptualisation à la réalisation en cours. Un large éventail de voix peut être inclus, l’objectif étant de connecter les individus les uns aux autres ainsi que d’établir un sentiment de connexion avec les systèmes communautaires environnants. Les liens qui sont établis au cours de ce processus de collaboration améliorent la capacité d’une communauté à les soutenir après le départ de l’architecte ou de l’urbaniste en charge du projet. Source  : Du design bio-inspiré au design systémique : la régénération à l’épreuve des pratiques de design Marguerite Foissac, Clara Jouault, Rose Dumesny, Guillaume Foissac 

Du Plessis (2012) a identifié que les approches régénératives sont basées sur des idées simples et puissantes : les systèmes humains font partie intégrante des écosystèmes ; les activités humaines devraient contribuer positivement au fonctionnement et à l’évolution de l’écosystème ; les efforts humains doivent être informés par des aspirations spécifiques au contexte ; des processus participatifs et réflexifs continus sont nécessaires dans la conception et le développement de lieux régénératifs.
Ernesto van Peborgh parle de biohub pour décrire l’architecture régénérative en lui donnant une forme visionnaire. « C’est un espace en perpétuelle évolution qui concrétise un engagement actif et un engagement ferme à créer des conditions propices à l’épanouissement de la vie. Un Biohub repose sur une relation harmonieuse avec la terre, toute sa biodiversité animale et végétale dans une communauté locale géographiquement définie. L’habitant de ce biohub rend hommage aux ancêtres de la terre, à ses habitants et à son histoire, favorisant un écosystème coévolutif, une entité vivante unique pleine de possibilités. Des facteurs tels que les saisons, les phases lunaires et la main habile de l’agriculteur jouent tous un rôle central dans ce grand dessein. Un Biohub est donc une toile vivante, un espace de potentiel cultivé pour favoriser les conditions nécessaires à l’épanouissement de l’essence même de la vie ». Lire son article 
Selon l’essayiste américain Kirkpatrick Sale, une biorégion est «un lieu défini non par les diktats humains mais par les formes de vie, la topographie, le biotope; une région gouvernée non par la législature mais par la nature». Chaque biorégion est précisément située, unique et reconnaissable. On y retrouve des espèces animales et végétales spécifiques, un climat dominant, des types de sols caractéristiques autant que des modalités d’installations humaines particulières. «Parler de biorégion, c’est tenter de décrire un milieu de vie plus qu’humain, partagé et cohabité», explique à Reporterre le professeur d’architecture Mathias Rollot. Son échelle emblématique est le bassin-versant. Les biorégions suivent les torrents, les rivières et les fleuves qui apportent avec l’eau la vie et créent une première forme de communauté. (source)
Selon Daniel Christian Wahl, une biorégion correspond à un territoire dont les limites ne sont pas définies par des frontières politiques, mais par des limites géographiques qui prennent en compte tant les communautés humaines que les écosystèmes. À l’échelle d’une biorégion, la restauration des écosystèmes et diverses opportunités d’emploi et d’entreprise deviennent possibles.
Ainsi, une biorégion ancre les humains dans des systèmes vivants grâce à des espaces et des ressources partagés. Elle reconnaît que les habitats humains ne se limitent pas aux villes. Les bio régions sont à la fois des lieux de vie et des bassins alimentaires, des bassins de fibres textiles. Les êtres humains en forgeant des relations entre la ville et les systèmes naturels font partie intégrante d’une biorégion. Pour restructurer nos villes en centres écologiquement réactifs, des compétences multidisciplinaires doivent se réunir pour répondre aux besoins holistiques de la communauté humaine, et non humaines au sein de la biorégion ». Lire son article

Dans un numéro spécial de Building Research and Information, Cole et al. (2012), Mang et Reed (2015) et Du Plessis (2012) présentent les attributs clés de la conception et du développement régénératif : contrairement aux pratiques conventionnelles de construction écologique, la régénération promeut « a co-evolutionary, partnered relationship between socio-cultural and ecological systems rather than a managerial one. In doing so, this suggests a relationship that builds, rather than diminishes, social and natural capitals » (Cole et al., 2013, p. 2).

Cette maison de plage à Playa Viva existe vraiment et se trouve à Juluchuca, au Mexique. Elle fait partie d’un ensemble composé de villas hors réseau de style cabane dans les arbres, avec des toits en forme d’ailes et a été conçue par Atelier Nomadic, un cabinet d’architecture basé à Rotterdam et spécialisé dans le biophilique. Totalement incluse dans le feuillage et épousant les formes du terrain accidenté, elle immerge totalement les hôtes dans la nature luxuriante qui l’entoure. Le toit de cette maison de plage fonctionne comme un énorme parapluie et, par ses formes paraboloïdes, offre également une protection totale contre le soleil.

Lorsque le propriétaire actuel a acheté la propriété, les terres étaient gravement dégradées et les jeunes avaient migré vers les grandes villes. Les travaux de Dias, Brinkoff et Fugate ont montré qu’en 2006, lorsque Playa Viva a été créée, la population de Juluchuca était passée de 641 personnes en 2000 à 528 personnes. Mais le recensement de 2020 a montré une population accrue de 691 personnes avec de meilleurs moyens de subsistance qui comprennent l’agriculture, la pêche et la petite transformation alimentaire. En effet, dès les premières étapes de la planification du lieu, c’est sur la base de l’économie régénérative que les propriétaires ont associé les villageois locaux pour garantir que l’hôtel contribuerait au bien-être de Juluchuca. source

Depuis sa création, l’hôtel a évolué en harmonie avec le lieu. La restauration des bassins versants de l’écosystème, des forêts et de la population de tortues, ainsi que l’autonomisation sociale et économique, sont intégrées dans les expériences régénératrices et inspirantes de l’hôtel pour les clients. Au lieu de construire un complexe nécessitant « l’extraction » des ressources nécessaires (comme le personnel, la nourriture, etc.) du village, le concept a été revu : le complexe et le village ne font qu’un. La qualité de vie qui en résulte, tant sur le plan écologique que social, fait partie intégrante de la viabilité et du succès économique du complexe.

Grâce à cette prise de conscience, Playa Viva et la communauté sont devenus collaborateurs, et la présence du complexe a réellement été bénéfique pour l’écosystème environnant et la population. En suscitant la participation de groupes communautaires au moyen de projets éducatifs axés sur la durabilité et en embauchant principalement des gens du coin, Playa Viva s’est révélé un vecteur de changement positif pour la communauté sur plusieurs fronts. En guise d’exemple, Playa Viva a tenu des ateliers sur l’agriculture biologique et des programmes de réduction des déchets pour les membres de la communauté locale, participé à la planification et à l’enseignement dans les écoles, et mis sur pied une coopérative de sel pour s’assurer que les producteurs locaux obtiennent des contrats à prix équitable. Enfin, les efforts pour comprendre l’essence de Juluchuca réalisés dans le cadre du projet ont permis de révéler une histoire riche et fascinante qui avait largement été oubliée dans la région. En transmettant celle-ci au public, Playa Viva a permis aux membres de la communauté de sentir, à juste titre, qu’ils ont leur mot à dire quant à l’évolution future de leur communauté. Les visiteurs, s’ils le souhaitent, peuvent s’imprégner de cette dynamique saine, et plusieurs repartent avec un profond respect et le sentiment d’avoir vécu une expérience allant au-delà des commodités conventionnelles d’un complexe. (source)

Dans les années 1960 et 1970, Charles Krone, théoricien des systèmes et architecte des processus et structures organisationnels, a développé la pensée systémique vivante comme une technologie de développement permettant d’améliorer consciemment la capacité de pensée systémique. Ses travaux ont considérablement élargi la pensée systémique, une discipline développée par le mathématicien John Bennett qui utilise des cadres systémiques pour comprendre des ensembles complexes au sein desquels les individus sont des participants plutôt que des observateurs. Les cadres systémiques et les processus de développement générés par Krone ont été appliqués et évolués au sein des entreprises. Leur objectif était de faire comprendre les entreprises, les communautés et la nature en tant que systèmes vivants, et de développer la conscience nécessaire pour créer des relations réciproquement bénéfiques grâce à une meilleure intégration des processus industriels, communautaires et naturels. Le travail de Krone a servi de fondement au nouveau groupe de développement collaboratif Regenesis alors qu’il développait et faisait évoluer des processus et des technologies de développement régénératif, à partir des années 1990. 

Autres exemples dans les lauriers de la régénération

 

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