Le nouveau gouvernement met le cap sur la croissance verte. Les aides visent les investissements industriels avec un focus sur la décarbonation. Le secteur de l'énergie est le principal bénéficiaire du remaniement ministériel.
C'est une stratégie compatible avec l'état des finances publiques qui ne permettent pas d'investir plus largement dans la transition écologique. Et encore moins d'accompagner les changements de comportements liés à celle ci avec de nouvelles aides de l'état.
Mais une stratégie qui n'intègre pas les sujets environnementaux, sociaux et économiques et qui reste assez éloignée des préoccupations des Français sauf peut être pour la création d'emplois verts si la croissance verte est au RDV.
La dette écologique.
Lors de sa prise de fonction il y a deux semaines, Michel Barnier a brièvement évoqué l’écologie, en disant ne pas vouloir laisser aux générations futures une dette écologique ce qui signifie que le dérèglement climatique est pris en compte au plus haut sommet du gouvernement mais que les solutions viendront dans un temps long qu'il convient de planifier dés maintenant. Si Michel Barnier ne nie pas la réalité scientifique en citant régulièrement les travaux du Giec, son approche pour solutionner les enjeux environnementaux, c'est la croissance verte. La croissance verte consiste à développer les industries décarbonnées du futur permettant à la fois la croissance du PIB et la baisse des consommations de ressources et des impacts environnementaux. (carbone4)
Un changement de cap stratégique
En début de semaine le premier ministre a officialisé la composition de son cabinet, le chef du pôle « environnement », Antoine Pellion, laisse la place à Vincent Le Biez, jusqu’alors adjoint au délégué interministériel chargé du nouveau nucléaire. Antoine Pellion reste en charge du SGPE en charge de la planification écologique et de la coordination interministérielle de celle ci, toutes fois son influence est réduite. Comme le révéle POLITICO, deux de ses trois secrétaires généraux adjoints au SGPE, Cécilia Berthaud et Frédéric Glanois, ont mis les voiles. La première était cheffe du pôle “ambition” et le second du pôle “impact”. Seul Frédérik Jobert est resté ; promu, il chapeaute désormais la plupart des agents du SGPE.
La croissance verte
Emmanuel Macron continue de souhaiter « accélérer » l’innovation pour donner un coup de fouet à son plan d'investissement industriel, France 2030, dont la moitié des budgets est allouée aux actions de décarbonation avec par exemple des petits réacteurs modulaires (SMR), de l'hydrogène vert, un avion bas-carbone, du béton décarboné, de l'intelligence artificielle à impact… source
Le dernier rapport du Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA) publié en juin 2023 est encourageant. Il conclu sur « un potentiel d’impacts exceptionnel de France 2030 qui devrait augmenter le PIB de 40 milliards à 80 milliards d’euros et créer 288 000 à 600 000 emplois à l’horizon 2030. » En générant de la croissance et de l’emploi, les experts considèrent que les 54 milliards dépensés devraient être entièrement compensés par des gains en recettes publiques à moyen terme. Le CSIA estime a mis parcours que 46 % des moyens alloués ont un impact potentiel favorable sur la décarbonation de l’économie. Plus précisément, 21 % ont un impact favorable, direct et pérenne tandis que 25 % ont un impact favorable, indirect ou controversé. source
Dans la droite lignée d’Emmanuel Macron, Agnès Pannier-Runacher qui hérite du ministère de l'écologie prône une croissance verte. « Plutôt qu’une écologie des interdits, nous défendons une écologie des solutions, écrivait-elle dans une tribune publiée en 2021. Nous portons une autre vision, celle d’une écologie qui croit au progrès et à l’incitation, une écologie qui compte sur l’innovation et la science pour changer notre modèle de production et trouver de nouvelles solutions. »
Une transition réduite à l'énergie
Le portefeuille du ministère de l'écologie confié à Agnès Pannier-Runacher se recentre sur l'énergie puisqu'elle est nommée "ministre de la Transition écologique, de l'Energie, du Climat et de la Prévention des risques". Elle récupère l'Energie, qui avait été transférée à Bercy lors du remaniement de janvier, mais perd la Cohésion territoriale, le Logement et les Transports. “C’est le périmètre ministériel le plus restreint depuis Jean-Louis Borloo il y a quinze ans”, réagit sur Linkedin Marine Braud, experte des enjeux environnementaux, passée par les récents ministères de la Transition écologique. “Autant dire que le nouvelle ministre n’aura la main sur quasiment aucune des politiques sectorielles nécessaires à la transition”. Autres signes inquiétants, la biodiversité a totalement disparu, tandis que la forêt est adossée à l’Agriculture. Les transports, la mer et la pêche sont quant à eux rattachés à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, Catherine Vautrin. novethic
Agnès Pannier-Runacher devra s’atteler à la programmation pluriannuelle de l’énergie (qui fixe les objectifs de développement des énergies renouvelables et du nucléaire par exemple) et à la troisième stratégie nationale bas carbone (qui établit la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre), deux feuilles de route essentielles. libération
Pronucléaire notoire, elle a notamment fait passer sa vision d'une électricité décarbonée passant « en même temps » par les renouvelables et par l'atome, en proposant deux lois distinctes puisqu'une majorité était introuvable sur les deux sujets à la fois. Depuis le discours de Belfort en février 2022, lors duquel Emmanuel Macron avait acté la relance du nucléaire, le gouvernement porte un programme de six nouveaux réacteurs EPR et huit en option. source
"La transformation écologique se résume à la seule transition énergétique. Construire un monde vivable va bien au-delà d’une décision imposée d’en haut sur le nombre d’EPR à construire" (france nature environnement).
Une prise de décisions centralisée
Un autre signal fort de ce nouveau gouvernement se situe dans un mode opératoire décisionnel centralisé à Paris, nécessaire pour mener à bien des plans de transformation ambitieux dans le long terme, mais dont la faiblesse se situe dans la déconnection avec les régions.
L'enveloppe budgétaire du fond vert destiné à financer les projets des collectivités dans les domaines de la performance environnementale, de l'adaptation du territoire au changement climatique et de l'amélioration du cadre de vie à été raboté deux fois cette année.
La loi du 22 juin 2023 a déjà levé les freins locaux en permettant dispenser de permis de construire les installations et travaux de création des nouveaux réacteurs nucléaires, de construire des nouveaux réacteurs nucléaires en bord de mer sans respecter la "loi Littoral", des mesures d’expropriation, avec prise de possession immédiate, pour les ouvrages annexes aux projets de réacteurs nucléaires reconnus d’utilité publique (installations de pompage, sous-station électrique…). source
Un pouvoir d'achat préservé
Face à une situation budgétaire jugée « très grave » par Michel Barnier, des efforts importants sont attendus pour redresser les finances publiques, avec probablement des hausses d'impôts pour les Français. Mais Michel Barnier n’envisage pas de « hausse d’impôts sur les classes moyennes et les Français qui travaillent ». Dans un entretien accordé à L’Opinion en mai 2023, Emmanuel Macron avait évoqué pour les classes moyennes des revenus entre 1 500 et 2 500 € , "les revenus de ceux qui sont trop riches pour être aidés et pas assez riches pour bien vivre".
Le gouvernement démissionnaire a décidé d'épargner aux Français une nouvelle hausse des prix de l'électricité. Sur deux ans, ils ont bondi de plus de 43% malgré le bouclier tarifaire mis en place par l'Etat. Dans sa délibération du 26 juin, la CRE préconisait d'augmenter de 4,8% le "tarif réseau", revu chaque année en août, pour tenir compte de la hausse des coûts d'acheminement du gestionnaire de la distribution Enedis, sorte de péage payé par les fournisseurs et répercuté aux particuliers et professionnels. Une actualisation "nécessaire" répète la CRE, alors que la France va devoir utiliser davantage d'électricité (nucléaire) pour sortir des énergies fossiles. BFM
Loin des attentes des Français
Cette stratégie n'intègre pas les sujets environnementaux, sociaux et économiques et reste donc assez éloignée des préoccupations des Français selon le dernier baromètre Ipsos. Sauf peut être pour la création d'emploi si la croissance verte est au RDV.
Après une légère baisse en juillet (36%), l’inflation reste en tête des préoccupations et remonte à 40%. Toujours n°2, la criminalité et la violence progressent de 2 points à 32%, suivies par la pauvreté et les inégalités sociales, désormais en troisième position des inquiétudes des Français avec 29% (+4pts par rapport juillet). Les inquiétudes à propos du système de santé passent en un mois de 30% à 27% alors que le contrôle des flux migratoires qui avait bondi de 19% en mai à 27% en juin diminue à 23% en août. Le nombre de Français qui estiment que le pays va dans la mauvaise direction reste important mais fléchit, 76% en août après 80% en juillet. En écho, la proportion de ceux qui trouvent que la situation économique est mauvaise évolue de 80% à 73% en un mois. Les craintes liées au terrorisme augmentent (11% en juillet mais 15% en août) tandis que celles associées au changement climatique progressent de 1 point à 23%. On notera que le spectre d’un conflit international s’éloigne, de 11% en juillet à 7% ce mois-ci. Les préoccupations à l’égard du chômage se font plus pressantes, 12% en août après 11% en juillet.

Laisser un commentaire