Reprendre son bonheur en main : de la crise au cocooning on en vient à l’autoconnexion

1980 : c’est la crise et la déprime collective.
1990 : le cocooning passif et protecteur.
2000 : l’autoconnexion

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Selon le météorologue social, Bernard Cathelatnous, nous
avons décidé de prendre notre bonheur en main.

De plus en plus, nous voulons mieux vivre notre vie. Nous préférons le bonheur à la carrière, le temps libre à une plus grande aisance financière. L’énergie est revenue, mais réservée à nous-mêmes, à nos proches et à nos familles, recomposées ou non. L’autoconnecté n’a plus peur : " Les temps sont durs, mais j’ai appris à nager. La société peut se disloquer, je m’arme pour survivre.

Nous sortons de la déprime collective.
Inquiétude pour soi, grande méfiance à l’égard du monde extérieur : dans les années 80, nous étions en pleine crise, une crise incompréhensible, irrationnelle, trou noir dévorant les individus. Face au " monstre ", c’était la paralysie et la certitude que nous n’en sortirions jamais.
Puis, au milieu des années 90, un mécanisme psychologique nouveau apparaît : l’egocentrage – le centrage sur soi. Traduction : " Puisque le monde devient une jungle, je n’ai plus de compte à rendre à personne, la seule logique qui vaut est la mienne. " Mais on ne lutte pas : on se contente de se protéger passivement en entrant dans sa coquille. Absence de rêve, d’utopie, d’esprit d’entreprise, le climat dominant est une sorte de " dépression nerveuse collective ". On se lève le matin en se disant : " Je n’y arriverai pas, de toute façon, ça ne sert à rien.

Et, soudain, on affronte l’obligation de s’adapter au XXIe siècle, par un ressourcement en soi-même. Proche de l’egocentrage par certains aspects – notamment la déconnexion sociale –, cette autoconnexion, elle, est active : elle marque l’envie de se reconstruire et de prendre sa vie en main.
Contrairement à l’individu egocentré, l’autoconnecté n’est pas un survivant déprimé. Il pense que le bonheur est à sa portée. Mais il ne compte plus sur la société, sur un projet collectif ou un leader politique pour l’atteindre. Le bonheur réside dans les " petites choses de la vie ", on le cherche en soi ou auprès des siens. S’il y a investissement d’énergie, c’est dans la vie privée : dans la " niche " familiale. Ensemble, on constitue une entité solidaire qui fait face au monde extérieur.

Sommes-nous de plus en plus égoïstes ?
Oui et non. Oui, car on devient plus opportuniste. On ne croit plus que la soumission aux règles du système garantit sa reconnaissance, donc on vire " surfer acrobate " et " renard malin ". Oui, encore, car l’autoconnexion n’est pas vraiment synonyme d’altruisme, du moins pas de solidarité universelle. Elle va plutôt de pair avec un certain " chacun pour soi ". Le meilleur recours : soi-même. " La force est en toi ! " Non, pourtant, car, simultanément, on note un renouveau d’intérêt pour tout ce qui est " microsocial " : vie de quartier, associations et opérations caritatives, humanitaires, tous ces lieux et activités collectives – toujours à taille humaine – que l’on fréquente par affinités, dans lesquels on peut s’impliquer et se désimpliquer à volonté. Car plus question de s’engager à vie dans un parti, un syndicat. D’un côté, c’est la renaissance positive de nouvelles microsolidarités "tribales " de proximité. De l’autre, plus inquiétant, l’évolution insensible vers une société mosaïque, émiettée en clans et tribus… avec ce que cela peut générer de corporatisme, xénophobie, racisme, ghettos.

De quoi avons-nous le plus peur ?
De la pauvreté, de devenir SDF, incontestablement. L’inconscient collectif est plein de fantasmes terrifiants, entre Zola et science-fiction des années 60, dans un univers postapocalyptique : société fracturée, à plusieurs vitesses, où l’on meurt dans la rue livrée à la guerre des ghettos et à la force pure. Curieusement, cette vision de l’avenir est présente aussi bien chez des jeunes cadres nourris à la gelée royale que chez des loubards de banlieues ou des vieilles dames. Et nos études ont détecté cette vision ultrapessimiste aussi bien à San Francisco qu’à Mexico, San Paolo, Shanghai et Hong Kong. Les peurs écologiques – pollution, catastrophe nucléaire – viennent en second rang, avec l’angoisse d’une science qui dérape, les mutations monstrueuses créées par des savants fous. Et ensuite, l’insécurité : peur de la violence urbaine quotidienne, aussi bien que montée des intégrismes et des fanatismes.

Isabelle Taubes

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