Ce
vade-mecum du Web 2.0 a été originellement conçu pour répondre aux
questions qui m’ont été envoyées par de grands groupes qui désiraient
lancer des initiatives Web 2.0. très souvent, ces entreprises
désiraient profiter de l’effet d’attraction du phénomène collaboratif
sur Internet, mais ils ignoraient à la fois les critères d’évaluation
du résultat, et la méthode pour l’obtenir. Ils désiraient donc obtenir
du support et du conseil en accompagnement de ce projet.
J’ai remarqué à de maintes occasions, et ceci depuis
de nombreuses années, que la motivation principale pour ce genre de
projets est avant tout guidée par la mode, de par le fait que le sujet
est à l’ordre du jour des médias. Mais je ne pense pas qu’une
entreprise quelle qu’elle soit, se doive de lancer un projet de Web
collaboratif, uniquement du fait de la mode. Non seulement cela risque
d’être dangereux pour la marque et pour la réputation de l’entreprise,
mais cela risque d’apporter peu de résultats satisfaisants, dans la
mesure où l’on a déjà du mal à en définir les objectifs. Dans une
certaine mesure, ce que l’on observe aujourd’hui avec le Web 2.0 est
très proche de ce que nous avons vécu à la fin des années 90, lorsque
de grandes entreprises pensaient à lancer leurs premiers sites Web.
Plus d’une fois, la même question revenait, à savoir « est-ce que le
Web vient en renforcement de la marque, ou en extension de celle-ci
vers une autre marque ? », suivie d’une autre question connexe «
dois-je courir le risque d’être à la mode maintenant, dois-je attendre
un peu que le mouvement se calme, ou faut-il que je fasse mes
expériences ailleurs et sous un autre nom ? ». C’est d’ailleurs pour
cela, que nous avions conçu la méthode de cadrage stratégique pour Internet, disponible sur le site visionarymarketing.com, et qui semble plus que jamais remis au goût du jour du fait du phénomène collaboratif de l’Internet.
Les grandes entreprises sont aujourd’hui de plus en
plus intéressées par ces initiatives 2.0. Rien d’étonnant à cela : le
phénomène collaboratif est fascinant, et les exemples parfois
spectaculaires de réussite du Buzz marketing, incitent tout
naturellement les grandes entreprises à leur emboîter le pas. Reste
encore à évaluer si cette initiative Web 2.0 s’inscrit dans la
stratégie de l’entreprise, et surtout, cela implique que l’on définisse
ce phénomène collaboratif.
Outre le
cours de marketing sur le collaboratif (du marketing et du web 2.0 aux
outils de collaboration et leur marché) que nous avons développé pour
l’école supérieure de gestion de Paris en juin 2007, il nous a
semblé intéressant de lister les 15 règles d’or qui permettent à notre
avis aux grands entreprises de cadrer leurs démarches Web 2.0, et c’est
ce que nous vous livrons dans cet article.
introduction: quelles caractéristiques objectives pour reconnaître un site 2.0 ?
Un nombre important d’histoires à succès, souvent
orientées autour du buzz, et relayées par la Presse incite nombre de
grandes entreprises à se lancer dans l’aventure 2.0. Ceci nécessite que
l’on revienne sur la définition du Web 2.0 (voir cartographie mémétique d’O’Reilly), dont nous donnons ci-après une description résumée :
- caractéristiques humaines :
- l’intelligence collective : il s’agit d’un concept développé par Howard Rheingold[1] qui veut que le groupe quand il coopère, est plus fort que l’individu (concept de foule intelligente à l’opposé des préjugés).
- L’utilisateur devient producteur : il s’agit de mettre
l’utilisateur comme acteur, et non pas comme spectateur. Tout site à
orientation de communication (pub), qui consisterait à asséner un
message à l’utilisateur, serait donc définitivement disqualifié.
- Caractéristiques fonctionnelles :
- RSS : plus qu’une caractéristique technique, il s’agit d’une
caractéristique fonctionnelle. RSS (real simple syndication) permet de
pousser l’information vers l’utilisateur, n’a plus besoin de faire un
effort pour aller la chercher. L’utilisation des flux RSS nécessite un
lecteur de flux, de plus en plus intégré au navigateur Internet, ou aux
barres d’outils (Google, Yahoo,…). Le développement du RSS rend enfin
possible la vision d’un Internet en mode push (proactif) tel qu’il fut
originellement conçu dans les années 2000.
- RSS : plus qu’une caractéristique technique, il s’agit d’une
- Caractéristiques techniques :
- La programmation légère et les mashups: l’idée de base, c’est
qu’un site Web 2.0 se construit rapidement en prenant des objets
existants, voire en récupérant des morceaux de code (ou de données) en
provenance d’autres sites. Le cas le plus typique des mashups est celui
des sites qui réutilisent les sites cartographiques (Google maps
principalement) afin de rendre possible des services géo-localisation. - Le Web comme plate-forme : il s’agit d’une résurgence de ce que
l’on appelait asp dans les années 2000. Il s’agit donc d’utiliser le
réseau comme référentiel, et d’éviter des logiciels lourds (voir point
précédent).
- La programmation légère et les mashups: l’idée de base, c’est
Stricto sensu, il n’existe pas de définition objective du Web 2.0. Dans cette catégorie (voir le catalogue complet à l’adresse http://www.go2web20.net/)
on va donc retrouver tout un tas de sites qui n’ont rien à voir les uns
avec les autres, car ce concept 2.0 est en fait postérieur à la
création de beaucoup de ces sites. Il s’agit plus pour ce « nouvel »
Internet, de revendiquer un état d’esprit libertaire, ouvert, «
échangiste[2] », et respectueux de l’individu comme contributeur dans un groupe.
En résumé, pour une grande entreprise, une grande
marque, qui désirerait embrasser le principe du Web 2.0, la
problématique est plus une problématique de culture d’une problématique
technique, cela implique qu’elle abandonne la tendance naturelle des
grandes entreprises à niveler les différences, à l’opacité, à la
paranoïa et à la réduction de tout ce qui pourrait nuire à la marque.
En d’autres termes, pour une grande entreprise qui voudrait se lancer
sur le Web 2.0, il faut se préparer mentalement, techniquement et
organisationnellement à affronter la suggestion, la critique, voire
même la destruction de façon totalement transparente. Toute tentative
d’embrasser le Web 2.0 de façon détournée, peut également faire l’objet
de critiques très négatives sur Internet, et qui peuvent circuler
largement avec des impacts sur la marque non négligeables.
Des outils dits de reputation management ou web sentiment analysis tel que flair
(développé par Orange labs SF) permettent – avec la prestation
d’accompagnement qio va avec – le suivi et la prévention du buzz sur
Internet (signaux positifs ou négatifs). Cet aspect est souvent voire
toujours négligé par les grandes entreprises qui voient dans Internet
un média quasi traditionnel où l’on délivre un message du haut vers le
bas, ce qu’à l’évidence il n’est pas.
15 règles d’or pour réussir un site (réellement) participatif ?
La question est donc moins de savoir si le site est
un site Web 2.0 (puisqu’il n’y a pas véritablement de définition), mais
de savoir si ce site respecte ne respecte pas les principes
élémentaires du Web collaboratif :
1. l’utilisateur ne vient pas par hasard
: il ne suffit pas de mettre un forum, de laisser entrer des
commentaires, de rajouter un peu de technique, pour transformer un site
plaquette en un site interactif et collaboratif. L’utilisateur,
l’internaute ne vient jamais par hasard sur un site. Penser cela, c’est
se condamner à se trouver à la tête une coquille vide qui n’a de
participative à la base que le nom.
2. ne pas confondre commentaires et collaboration
: un commentaire est une réaction, une collaboration est un travail en
commun, dont l’initiative peut voire doit revenir à la base.
3. animer, animer, animer : pour
créer un site de collaborations efficace, il faut sans arrêt et surtout
au début de l’opération amorcer la pompe de façon considérable, en
créant un corpus de contenu (attention ! du vrai contenu, pas des
plaquettes) qui va attirer l’utilisateur.
4. mettre sa marque en accord avec l’esprit 2.0
: le Web 2.0, nous l’avons déjà vu c’est un esprit. Il faut tenir
compte de la marque, et de sa capacité à endosser cet esprit. En
d’autres termes, il faut éviter de « mettre ses habits du dimanche ».
Si la marque est incompatible avec une expérience de ce genre, il est
conseillé d’en créer une autre, ou le de la décliner.
5. éviter de parler de ses produits :
l’utilisateur 2.0 vient pour récupérer de l’information, pour échanger,
pour partager, pour recevoir aussi, il ne vient pas pour regarder une
plaquette produit. Sinon, il irait directement sur votre site plaquette
produit (à supposer qu’une plaquette serve à vendre des produits).
6. embrasser les grandes causes : les passions émergent souvent (toujours ?) des grandes causes, pas des petits produits.
7. ménager un bénéfice non pour votre entreprise mais pour le visiteur
: n’oubliez pas de servir l’utilisateur, c’est pour ça qu’il viendra et
reviendra. Si vous ne pensez qu’à vous, vous serez les seuls à aller
voir votre site.
8. ouverture et transparence :
le Web collaboratif ne permet pas l’opacité. La langue de bois. La
réclame sur Internet. Oublier cette règle de base, vous expose au mieux
à l’indifférence, au pire à la critique la plus acerbe.
9. le ton et le style : éviter
le style ampoulé et les grandes phrases des agences de communication
qui prennent les utilisateurs pour des enfants ou pire. Le Web 2.0
implique que l’utilisateur-acteur est respecté dans son intelligence et
qu’on lui fait confiance.
10. réactivité, spontanéité : si
une suggestion ou un commentaire est mis en ligne, il faut y répondre
tout de suite. C’est la dictature du temps réel. Si
l’utilisateur-acteur sent que ces suggestions ne sont pas prises au
sérieux, ou trop tard, il se découragera une reviendra plus, voire il
dira de mal de vous dans son blog. La spontanéité et la réactivité sont
la politesse du 2.0 car il démontre l’intérêt que l’entreprise porte à
l’utilisateur-acteur.
11. abondance et fluidité de l’information :
le Web collaboratif implique la richesse du contenu. Lancer un site
collaboratif ne avec deux commentaires qui se battent en duel, expose
la société responsable à des critiques voire des ricanements.
12. éthique et probité : éviter à
tout prix les faux blogs (flogs ou fake blogs), les faux blogueurs, et
toute tentative propre à essayer de tromper l’utilisateur. Il est fort
à parier que cela sera découvert rapidement, et les représailles seront
impitoyables (voir l’exemple du site Sony pour la PSP à Noël 2006[3])
13. modernité et technicité (geekiness)
: souvent, les grandes entreprises perdent pied avec la réalité du
monde de l’Internet, car elles sont éloignées (Ou leurs informaticiens
sont éloignés) de la réalité est collaboratif de l’informatique
moderne. Rien de pire qu’une entreprise voulant se lancer dans le Web
2.0 qui tenterait de singer les expériences connues (SL par exemple)
avec un résultat approximatif. Dans le Web 2.0, les techniques de
développement sont-elles aussi Web 2.0 : logiciels libres, ramassions
collaboratif, réunion de créativité collaboratif horizontal et non
hiérarchique (barcamps et toutes leurs déclinaisons).
14. immersion totale : éviter à
tout prix les environnements faussement 3D qui rappellent les premiers
développements du début des années 90. Si l’objectif et de fournir une
expérience en immersion totale (on parle alors de Web 3.0 et non plus
2.0, voir fredcavazza.net), il faut jouer le jeu jusqu’au bout. Cela
implique que l’on recrée de zéro un méta univers de type S. L., ou plus
pragmatiquement, que l’on investisse massivement dents est elle pour y
faire du marketing immersif.
15. enfin, dernière règle et non des moindres,
respecter à la lettre les 14 règles précédentes n’est rien, comme
toujours quand il s’agit de systèmes d’information marketing, si vous
n’êtes pas capables d’exécuter correctement ces règles dans la réalité.
En d’autres termes, tout est une question d’exécution et de manière,
pas seulement de contenu. Il est à répéter encore une fois que le Web
2.0 est une question d’état d’esprit, pas seulement de respect formel
de règles ou de principes.
notre recommandation : poser la vraie question, apporter la vraie réponse
la véritable question pour l’entreprise n’est pas de
savoir si elle doit absolument créer un site Web 2.0, si tant est qu’on
sache que c’est vraiment, mais de savoir comment votre entreprise peut
tirer un bénéfice, qui soit également partagé par l’utilisateur, d’une
démarche collaborative sur Internet.
Ceci amène à se reposer la question fondamentale de
la stratégie de l’entreprise en question sur Internet, qui est n’est
pas sans lien sur sa stratégie hors de l’Internet. Il est fort à parier
que sur Internet et dans un environnement collaboratif où les
utilisateurs sont libres de s’exprimer, les questions qui fâchent,
surtout en ces temps où l’écologie fait un come-back – ressurgissent
naturellement à la surface. Et ceci sans évoquer la présence éventuelle
voire probable des groupes de pressions …
Notre recommandation se décline donc en quatre temps :
- temps 1: définir la stratégie Internet de votre
entreprise, définir ses objectifs dans un site collaboratif, et ce qui
peut déterminer le succès d’une telle opération. On définira également
les garde-fous, qui protégeront la marque, et sa réputation. On
définira la marge de manœuvre, les soutiens et les sponsorings internes
et externes. On ciblera un sujet (prendre l’exemple d’axasante.fr
qui a choisi la prévention médicale. une grande cause peut produire de
grands effets). On évaluera également les questions de branding (voir
la remarque sur l’adéquation à la marque dans les 15 points ci-dessus),
et les alliances possibles avec des associations. - temps 2: en déduire les dispositifs nécessaires pour remplir ses objectifs, avant de sauter à la solution technique qui ne résout rien. « Infiltrer[4]
» les milieux autorisés, prendre des avis des experts du Web 2.0 et les
inclure dans le dispositif dans un mode co-créatif (pas extérieur).
Impliquer enfin des clients internautes de votre entreprise, car ils se
sentiront concernés par la co-conception d’une aventure 2.0 bénéfique à
eux-mêmes et en bout de chaîne, bénéfiques à votre entreprise. Le stade
ultime de la co-création étant celui qui allie la participation de vrais clients (attention, on ne parle pas de focus groups ici) - temps 3: tester dans une première version et sur
un échantillon restreint mais conséquent, en grandeur nature afin de
faire les premiers pas, et de mettre au point la plate-forme.
Transformer cette plate-forme en outils de test de temps réel, en
impliquant les blogueurs et acteurs influents du 2.0, non seulement
pour analyser et avaliser une solution de communication, mais pour les
faire participer à cette aventure. Ceci peut éventuellement nécessiter
une rémunération ou une rétribution (pas forcément monétaire
d’ailleurs). Mettre ainsi en place un processus d’accompagnement
systématique qui permette de contrôler et de corriger le dispositif
offert à mesure. - temps 4: en parallèle, abandonner, si elle existe, toute idée
d’une fausse expérience immersive en faux 3D, et – si c’est l’objectif
– complémenter la démarche en investissant de façon
conséquente et concertée avec le panel de blogueurs influents cités
précédemment, sur second life.
Point important à noter : l’acceptation préalable de
la transparence par votre entreprise est indispensable à ce projet,
avant même de se lancer. L’acceptation de cette transparence, pourrait
au contraire vous propulser au rang des bons élèves de la blogosphère
et de l’Internet et du Pinko Marketing.
[1] L’intelligence collective, issu du livre de Howard Rheingold Smart Mobs, prête aussi le flanc à beaucoup de critiques : http://www.scienceshumaines.com/le-mythe-de-l-intelligence-collective_fr_5612.html[2] au sens des mashups et les emprunts qui peuvent être faits entre sites[3] http://ygourven2.online.fr/webcom/mbaesg/ppt/mbaesg-collaboration-1-76.htm et le site de Consumerist.com à http://consumerist.com/consumer/alliwantforxmasisapsp/lucky-golden-shit-awards-shipped-233455.php[4] de façon ouverte et sans arrière pensée cependant

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