Cyberculture rapport au Conseil de l’Europe dans le cadre du projet « Nouvelles technologies : coopération culturelle et communication »

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par Martine Poulain
                  
                  
                  
                  
                  

Ni salut, ni perdition

                  
                  

Internet sera ce que les hommes en feront. Telle est l’affirmation de départ de Pierre Lévy, qui n’entend pas entonner l’air
de l’apocalypse. Ses débuts et son fonctionnement actuel rendent l’outil prometteur : « La croissance du cyberespace est le résultat d’un mouvement international de jeunes gens avides d’expérimenter collectivement
d’autres formes de communication que celles qui sont proposées par les médias classiques »
. Les effets des techniques ne sont jamais monolithiques, mais constituent « un
ensemble infiniment complexe et partiellement indéterminé de processus
en interaction qui s’auto-entretiennent ou s’inhibent »
. Une technique n’est, en soi, ni bonne, ni mauvaise.
                  

En l’occurrence, Internet est le résultat d’une intelligence collective, dont l’initiative première et la marche échappent
aujourd’hui à toute hiérarchie, à tout fonctionnement étatique : « En
interagissant avec le monde virtuel, des utilisateurs l’explorent et
l’actualisent tout à la fois. Quand les interactions ont le pouvoir
d’enrichir ou d’actualiser le modèle, le monde virtuel devient un
vecteur d’intelligence et de création collectives »
.
                  
                  
                  
                  
                  

Un universel sans totalité

Après avoir, dans une première partie, rappelé les principales démarches autorisées par Internet, Pierre Lévy analyse dans
une seconde partie les formes particulières que prend aujourd’hui cette « cyberculture ».
                  
                  
                  

Le
cyberespace est le lieu d’un universel sans totalité. Il est sans
centre, sans ligne directrice. Il est le lieu de tous les possibles. En
cela, il présente certaines caractéristiques des sociétés orales, dans
lesquelles les individus étaient directement et uniquement en contact
avec la parole d’autrui. L’écriture apporte la distance et la
distanciation, l’universalité et l’autorité : « Dans l’universel fondé par
l’écriture, ce qui doit se maintenir inchangé par interprétations,
traductions, translations, diffusions, conservations, c’est le sens. La
signification du message doit être la même ici et là, aujourd’hui comme
autrefois. Cet universel est indissociable d’une visée de clôture
sémantique »
. Au contraire, le cyberespace construit un universel (caractérisé par l’interconnexion mondiale et l’interactivité), sans
totalité, c’est-à-dire sans discours d’autorité partagé : « Chaque
connexion supplémentaire ajoute encore de l’hétérogène, de nouvelles
sources d’information, de nouvelles lignes de fuite, si bien que le
sens global est de moins en moins lisible, de plus en plus difficile à
circonscrire, à clore, à maîtriser. Cette intelligence donne accès à
une jouissance du mondial, à l’intelligence collective en acte de
l’espèce »
. Une jouissance collective dont on aurait bien aimé que Pierre Lévy discute un peu l’ambiguïté
.                  

Communautés virtuelles
                  
                  

Cette « téléprésence généralisée »
qu’entraîne l’interconnexion mondiale crée une communauté virtuelle.
Cette communauté se forge une morale, se donne des règles de
fonctionnement. L’image de l’individu seul face à son écran est fausse.
Le navigateur appartient bien à une communauté ; en naviguant, il
échange avec les autres : « Avec
la cyberculture s’exprime l’aspiration à la construction d’un lien
social qui ne serait fondé ni sur des appartenances territoriales, ni
sur des relations institutionnelles, ni sur les rapports de pouvoir,
mais sur la réunion de centres d’intérêt communs, sur le jeu, sur le
partage du savoir, sur le partage coopératif, sur des processus ouverts
de collaboration »
. Et Pierre Lévy de donner un certain nombre d’exemples de ces créations collectives, de ces arts du virtuel, où l’oeuvre
n’a plus un auteur, mais une multiplicité de créateurs.
                  

Un nouveau rapport au savoir
                  
                  

Actualisant
et renforçant un certain nombre de fonctions cognitives humaines (la
mémoire, l’imagination, la déduction, le raisonnement), le cyberespace
crée un nouveau rapport au savoir. Il développe les capacités à la
simulation. Déterritorialisé, décentralisé, « détotalisé », il suscite
un sentiment de désorientation. Plutôt que d’analyser ces évolutions
comme une perte, Pierre Lévy propose d’y voir une chance, à condition
que les structures sociales sachent s’y adapter et les intégrer. L’ère
du cyberespace appelle ainsi un enseignement ouvert et à distance,
s’appuie sur un apprentissage coopératif, situé dans un continuum qui
ne sépare plus vie professionnelle et moments de formation, qui sache
mettre en oeuvre de nouvelles formes de médiation répondant au besoin
de diversification, mais aussi de personnalisation de la formation.

Le cyberespace et la société
                  
                  

Pour
Pierre Lévy, le cyberespace peut être une voie vers une plus grande
démocratie. Il permet une appropriation des problèmes de la cité par
les citoyens eux-mêmes, favorise les associations de communautés
locales, oblige à la transparence dans les relations entre les pouvoirs
et les citoyens. Le cyberespace, qui ne se substituera jamais au monde
réel (« la montée du virtuel entraîne celle du réel » dira plus loin
Pierre Lévy), peut être un outil au service du développement
économique. Il ne faut donc pas accepter le terme d’autoroutes de
l’information, qui ne met pas assez en valeur la capacité créative des
citoyens utilisateurs. Le cyberespace n’est pas une infrastructure,
mais une manière de s’en servir.

Pour
autant, Pierre Lévy ne sous-estime pas les conflits d’intérêt qui
opposent ceux qui veulent imposer leur forme d’usage du cyberespace :
États et industriels tentent chacun d’y imposer leur marque de manière
majoritaire. Mais les citoyens doivent et peuvent y mettre en oeuvre
une conception fondée sur le partage, qui « permette
aux êtres humains de conjuguer leurs imaginations et leur intelligence
au service du développement et de l’émancipation des personnes »
. Le cyberespace peut
autoriser une meilleure compréhension entre les hommes, en accroissant
leurs échanges ; il multiplie les possibilités et les modes de
connaissance et de pensée ; il crée de nouveaux genres littéraires et
artistiques. Bref, le cyberespace peut être le lieu d’une poursuite et
d’un dépassement de l’idéal des Lumières.
                  
                  

Ceux qui en doutent ne sont que des grincheux, nostalgiques de leurs propres privilèges et positions de domination

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