Du roman policier à la bande dessinée, la compagnie ferroviaire
publique a fait de la lecture un axe fort de sa politique d’image.
Jusqu’à mercredi, au Salon du
livre à la porte de Versailles à Paris, le visiteur pourra venir
enregistrer, dans les conditions du direct, un conte pour ses enfants,
un poème pour l’élu(e) de son coeur, un extrait de roman pour un ami,
et repartir avec le CD de sa prestation. L’un des participants pourra
même faire la lecture à deux voix avec la chanteuse Olivia Ruiz – qui
vient de sortir un ouvrage -, à condition d’avoir au préalable
participé à un concours.
Ce « Lecteur Studio » n’est pas
l’initiative d’un éditeur mais… de la SNCF. La présence de
l’entreprise ferroviaire à la grand-messe annuelle du livre, pour la
deuxième année, peut intriguer. Elle s’inscrit pourtant dans une
stratégie de long terme, la SNCF ayant fait de la lecture un pilier de
sa stratégie d’image. « Le livre s’adresse à tout le monde. Les
trajets en train sont un grand temps de lecture. Lorsque nous avons
réfléchi au champ des partenariats culturels, mettre l’accent sur ce
domaine, plutôt que sur le théâtre ou la peinture, était logique. Même
si nous avons aussi des liens avec le cinéma », précise Bernard
Emsellem, directeur de la communication. Les rapprochements entre les
univers ferroviaire et éditorial remontent loin. « Il existe une
proximité du champ lexical. On parle de voyage en train comme de voyage
littéraire. On utilise l’expression roman de gare », souligne Anne Clergeot, chef de projets partenariats.
Des moyens qui augmentent
Le
mouvement est aujourd’hui en pleine accélération. Depuis quatre ans,
les moyens consacrés au livre par la SNCF ont doublé. Les actions
touchent à tous les genres. Une façon de s’adresser à tous les publics,
chacun étant aussi un voyageur potentiel. Au Salon du livre, les
auteurs venant interpréter leur texte au « Lecteur Studio » jouent
l’éclectisme, de l’abonné aux best-sellers Harlan Coben à Michel
Drucker, qui a publié son autobiographie, en passant par Jean-Louis
Debré, pour son dernier roman policier.
L’entreprise a aussi
développé cette année l’association de son nom à la bande dessinée en
devenant partenaire, en janvier, du Festival international de la bande
dessinée d’Angoulême. Le prix l’Essentiel FNAC-SNCF a été décerné à «
Kiki de Montparnasse », de Catel et Bocquet, par le public parmi les
albums de la sélection officielle de la manifestation. Il était
notamment possible de découvrir les bandes dessinées dans des
bibliothèques éphémères en gare.
Les liens avec l’univers
policier sont plus anciens. Existant depuis huit ans, le prix SNCF du
polar n’en cherche pas moins à renouveler chaque année la remise des
trophées. Le 5 février, l’édition 2008, animée par Karl Zéro, avait des
airs de procès. Six véritables avocats plaidaient pour leur roman
préféré. Retransmises en direct sur Internet, leurs prestations, qui
ont abouti aux couronnements de « Camino 999 », de Catherine Fradier,
et de « Bleu catacombes », de Gilda Piersanti, ont aussi été diffusées
sur la chaîne 13e Rue. National et ouvert à tous, en externe ou en
interne, ce prix se déploie sur toute l’année, et la première sélection
pour 2009 a déjà démarré. Le lecteur, qui achète ou emprunte à la
bibliothèque les titres sélectionnés et s’engage à lire au moins deux
romans, vote chaque trimestre au sein de comités régionaux. Des
rencontres et débats sont organisés un peu partout en France au fil des
mois. « Dans toutes nos actions, l’objectif est d’être populaire et
interactif. Il s’agit de faire décerner les prix par le public et non
un jury d’experts, de vivre avec les gens », note le directeur de
la communication. Pour le Printemps des poètes, qui a lieu
actuellement, l’entreprise a donc distribué plus de 200.000
cartes-poèmes à offrir ou poster, et a organisé un concours.
Coéditeur
La
SNCF ne se contente pas d’accompagner des livres parus. Elle s’implique
aussi dans la production au travers de la coédition. La première
tentative ne fut pas la bonne. Une collection lancée avec les éditions
Autrement autour d’extraits d’oeuvres du XIXe siècle a dû être arrêtée.
Lancée l’an dernier avec Gallimard Jeunesse, la collection Voyage en
page est en revanche un succès. Destinée aux 7 à 11 ans, vendue en
librairie mais aussi dans les Relay en gare et aux voitures bars des
trains, elle compte des titres classiques et contemporains. Des jeux en
fin d’ouvrage aident à faire passer le temps du trajet aux juniors. La
série à petit prix – 2,50 euros – s’enrichit au rythme des vacances
scolaires.
La société ferroviaire n’exclut pas de se lancer un
jour dans une autre collection destinée à un public auquel elle ne
s’adresse pas encore. Elle aimerait également trouver une autre
manifestation à laquelle s’associer.
Au fil des années, le dispositif se muscle. Mais le message a besoin de temps pour s’installer. «
S’impliquer dans le domaine de la lecture a un aspect militant. Les
retombées sont moins nettes que celles d’un grand spectacle »,
reconnaît Bernard Emsellem. Il devient aussi important aujourd’hui de
montrer le fil qui relie les différentes opérations. L’expansion de
l’usage des lecteurs de MP3 ou de DVD dans les trains ne va, en tout
cas, pas à l’encontre de la démarche. D’autant que la SNCF a déjà mis
en place une parade pour s’adresser aux adeptes des nouvelles
technologies. Chaque mois, elle propose sur son site Internet des «
webcast » littéraires, avec des extraits d’ouvrages récemment parus ou
des contes intégraux pour enfants en partenariat avec Nouveau Monde
Editions, lus par des acteurs et personnalités. A écouter sur son
ordinateur ou à télécharger pour découvrir un livre tout en regardant,
par la vitre du train, le paysage défiler.
CLOTILDE BRIARD
Source : les Echos

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