Lu sur On Off Mobile
Florence Hermelin
NRJ Lab : "Le multicanal face à l’adolescent tyran"
Cellule de veille marketing sur les tendances, NRJ Lab publie, tous les
ans, une étude sur les comportements et les attentes des 11-25 ans. Sa
responsable, Florence Hermelin, décrit des jeunes experts en "décodage"
de communication des marques. Elle suggère d’être plus inventif dans le
mix médias, notamment pour tenir compte du multitasking.
Vous observez les jeunes depuis plusieurs années. Comment les marques doivent-elles s’adresser à eux ?
Les jeunes expriment une forte demande de considération, d’authenticité
et de transparence. Ils rejettent désormais les actions où les marques
avancent masquées pour se révéler ensuite et craignent la manipulation.
Ils pensent maîtriser les rouages publicitaires et Internet en a fait
des consommateurs avertis. La profusion d’informations les a mis en
position de force : ils n’hésitent plus à faire connaître leur
insatisfaction et n’ont de cesse de demander toujours plus aux marques.
Vous dites qu’ils attendent beaucoup des marques…
Oui. "Improductifs" sur un plan économique, les jeunes sont finalement
toujours perçus comme "inutiles" socialement. Dès lors, ils comptent
sur les marques pour les valoriser, leur donner un statut et une
reconnaissance. Cependant, c’est une demande ambivalente car les jeunes
sont en même temps extrêmement exigeants : à "l’enfant-roi" succède
“l’adolescent-tyran". Cette "tyrannie" s’exprime plus facilement en
famille ou vis-à-vis des marques. Il est difficile de bien faire avec
les jeunes, et c’est en tâtonnant, en les connaissant mieux, en
essayant de saisir leurs modes de pensée ou de fonctionnement que les
marques les satisferont.
L’étude Youthology a, bien sûr, observé leur tendance à consommer plusieurs médias en même temps…
Oui, même si cette consommation simultanée se concentre sur deux médias
en général. C’est le résultat d’un bouleversement psychologique. Les
jeunes développent une pensée cumulative, transverse : non seulement,
ils ressentent moins le besoin d’aller au fond des choses, mais en plus
ils en abordent plusieurs en même temps. En termes de consommation
médias, cela se traduit par une préférence affichée pour le couple
radio/internet. On trouve aussi des "duos" plus étonnants comme la télé
et la lecture. Les marques devront tenir compte du multitasking, en
développant des synergies entre les médias. Le même film télé, décliné
au cinéma, sur Internet et en radio, ne fonctionne plus. Ce n’est que
le début de "l’écriture" de stratégies cross-média par les marques.
Quelle autre conséquence le multitasking entraine-t-il ?
Une exigence d’immédiateté. Pour les jeunes, tout doit être facile,
rapide et gratuit – comme sur Internet. Dès lors, deux points sont à
surveiller. Premier point : sur le long terme, cela pourrait aboutir à
une remise en cause du besoin de posséder soi-même, et donc de l’achat
personnel via une mutualisation des biens que cela soit par le troc ou
la location. Deuxième point : être “l’ami" d’une marque doit désormais
apporter aux jeunes plus que des avantages matériels, au-delà du bon de
réduction de temps en temps. Les marques doivent trouver de nouvelles
façons de les intéresser et de les faire participer. Les marques ont
encore beaucoup de chemin à faire pour apprivoiser les jeunes.
Vos conseils ?
Créer du lien, ne pas leur cacher qu’ils sont dans un rapport marchand,
les mener vers de nouveaux territoires, les étonner, les faire rire…
Cela n’est possible qu’à deux conditions. La première : se doter d’une
"expertise jeunes". Certes, il y a des invariants, mais aucune
génération ne se ressemble. Une marque, si elle n’est pas curieuse de
ce que les jeunes sont et font ne réussira pas. Deuxième condition : il
faut trouver de nouvelles combinaisons entre médias, à chaque fois
différentes selon l’objectif – sans oublier le premier d’entre eux, le
point de vente. Cela suppose une bonne "veille" marketing pour savoir
ce que font les autres et une meilleure connaissance des combinaisons
médias/hors médias.
Selon le Baromètre on-off-mobile
PagesJaunes/UDA/TNS, seulement 50% des annonceurs pensent que les
jeunes sont réceptifs à la publicité sur les sites communautaires.
Pourquoi une telle frilosité ?
C’est de la prudence : chat échaudé craint l’eau froide ! Des marques
ont acheté des "îles" sur Second Life et le retour sur investissement
n’a pas été forcément au rendez-vous. Or, il faut bien justifier ces
investissements. D’autant plus que les réseaux communautaires
impliquent un lien entre la marque et les consommateurs d’une nature
bien différente du lien marchand.
Vous annoncez, pour juin 2008, une nouvelle édition de Youthology. Quel est la vocation de cette étude ?
C’est une étude prospective qui, depuis 4 ans, aide les marques à mieux
comprendre les jeunes, leurs comportements, leurs attitudes et leurs
aspirations. Face à eux, les annonceurs se sentent souvent perdus. Ils
craignent de mal faire, de se couper et d’être condamnés. L’étude a
pour vocation de mieux les éclairer et de les rassurer. Rien n’est
insurmontable et des "clés" existent. Les marques jouent un véritable
rôle auprès des jeunes. Leur discours tend même à remplacer les utopies
politiques. C’est une lourde responsabilité, mais aussi une chance. Les
jeunes ont un rapport fusionnel avec les marques, et ce mélange
d’adoration et de méfiance rend l’exercice marketing passionnant.


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