Lu dans Libération
Viens
dîner à la maison mais ça ne ressemblera pas vraiment à un dîner. Voilà
comment résumer les nouveaux codes du recevoir chez soi. C’est
déconcertant mais on n’est plus dans les canons de la bourgeoisie
classique codifiés par Nadine de Rothschild. Comment se reçoit-on
aujourd’hui ? C’est à cette question qu’a tenté de répondre l’étude
d’Opinionway réalisée pour Electrolux Arthur Martin en janvier dernier.
Modifié par les bobos, l’art de recevoir évolue et les repas, eux
aussi, changent. Drunch, dipping, verrines et autres nouveautés se
mettent à table.
Carton. «Tout ce qui est propre à certains carcans a pratiquement disparu», pose Nicolas Saintagne, directeur des études Marque, communication et médias d’Opinionway. De la «politesse forcée», il ne reste plus grand-chose. Le carton d’invitation ne se pratique plus et l’on n’exige pas de ses invités une «tenue» particulière. Même si 60 % d’entre eux essayent «le plus souvent» de faire des «efforts vestimentaires». Quant au plan de table, il est obsolète.
Aujourd’hui, autour des assiettes, on se détend.
Et ce, encore plus qu’on ne l’imagine. On investit la table basse du
salon (80 % des personnes interrogées sont d’accord pour le faire) ou
celle de la cuisine pour dîner (plus de 70 % trouvent le principe
«convivial» et «sympathique»). Et l’on se place où l’on veut.
Néanmoins, des règles demeurent. «Prévenir à l’avance», même si le délai s’est raccourci, «fixer une heure ou ne pas arriver les mains vides…» sont toujours d’actualité, rap
pelle Nicolas Saintagne. Et on porte encore
beaucoup d’intérêt à l’apparence de la table. C’est ce que constate
Philippe Garcia, de l’agence Table by design. Il anime des ateliers sur
les arts de la table et observe que «l’attente première des gens qui
viennent prendre des cours, c’est le côté déco» et moins les
convenances bourgeoises du recevoir à la française.
La table change et ce qu’on y déguste aussi. Logique puisqu’«on va
éviter la sortie d’une batterie de cuisine lorsqu’on mange sur une
table basse», explique, Nicolas Saintagne. Il est vrai qu’on se voit
mal savourer un cassoulet assis sur un coussin. Le trio
entrée-plat-dessert n’est pas toujours adapté. Résultat, des repas d’un
nouveau genre se profilent. A commencer par l’apéritif qui remplace
l’entrée. C’est ce que Philippe Garcia a baptisé «l’antitable» : «On
fait un apéritif copieux et on passe à table seulement pour le plat
principal», explique-t-il. On ne se goinfre plus, on picore. «Chacun a
envie de manger ce qu’il souhaite, note Véronique Bouin, directrice
adjointe du magasin La Carpe, spécialisé dans le matériel de cuisine.
Donc on va faire plein de petits plats afin que chacun y trouve son
compte.» Des mets déjà portionnés investissent la table. A l’image des
verrines qui ont tout de même un léger inconvénient : «Si on ne mange
que ça, on peut se taper un hamburger en sortant», plaisante Véronique
Bouin.
Sauces. Ces nouvelles modes (on ne compte plus le nombre de
livres sur le sujet) correspondent au paradoxe qui infiltre la cuisine
des particuliers : le retour à des aliments simples mais des
présentations complexes. «Les gens veulent faire comme au restaurant», explique Véronique Bouin. Et d’une certaine manière, impressionner leurs invités.
C’est dans cette tendance que s’inscrit le drunch. Le…quoi ? Le drunch, contraction des mots anglais dinner et lunch, est une sorte de «goûter amélioré»,
résume Vincent Grégoire, directeur du département Art de vivre de
l’agence de style NellyRodi. Le principe en est simple : on reçoit le
dimanche aux alentours de 17, 18 heures pour finir tôt et faire
participer les enfants. Ce qu’on y mange : du sucré, du salé, le tout
présenté à la manière d’un buffet. Le plus souvent, le drunch se
déroule autour d’un «fil conducteur»: une couleur, un
ingrédient, un format XXL ou au contraire XXS. Bref, c’est un brin
contraignant. Né dans les grandes villes américaines, il séduit la
tranche des 35-50 ans évoluant dans des «milieux socio-culturels élevés». Selon Vincent Grégoire, le drunch serait «une façon de refaire du dîner social de manière cool, un peu artiste»
tout en suivant une mise en scène très orchestrée. En somme, un repas
faussement informel où manger par terre avec les doigts devient très
chic. Et où le but est quand même de «se la péter un peu». Dans la même vague, le dipping,
qui consiste à tremper viandes, fruits ou légumes dans diverses sauces.
Au risque, selon des chercheurs de l’université de Caroline du Sud,
d’immerger ses chips dans un bol de bactéries car les gens trempent,
mordent et retrempent.
Finalement, qu’importe la manière dont on reçoit et ce que l’on
sert, la politesse ultime veut que les invités sortent rassasiés. Avec
ces repas d’un nouveau genre, rien n’est moins sûr.
Julia Tissier
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Pour en savoir plus sur le marketing et la communication alimentaire, va voir le rapport d’innovation de courts circuits : par ici

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