
Henri Kaufman se définit lui-même comme un scientifique qui a mal
tourné : il est en effet devenu publicitaire en fondant en 1987
l’agence de marketing relationnel Communider! Son parcours est
atypique, ou plutôt éclectique comme vous pourrez en juger en suivant ce lien.
Il
est aujourd’hui un blogueur incontournable dans la blogosphère et nous
avons décidé de l’interviewer afin qu’il nous livre son point de vue
sur le marketing et les marques …
A découvrir en bonus, le questionnaire de Proust dans lequel il a accepté de se dévoiler …
Quelles sont les nouvelles règles du jeu en marketing ? Tout porte à croire que la bible des marketeurs – le Kotler est obsolète et par ailleurs les réseaux sociaux ne semblent pas sans impact sur l’organisation des départements marketing des marques …
Le marketing ‘traditionnel’ préconise une approche très cartésienne du consommateur – reposant sur le concept de ‘Instant Customer Value’
et de Life Time Value (LTV) qui consiste à analyser le consommateur par
rapport à son « espérance de vie » avec la marque, son panier moyen et
sa fréquence d’achat pour ensuite optimiser son potentiel et sa
rentabilité. Segmenter – Cibler une catégorie de
consommateur – Identifier des niches ou sous niches sont les bases
généralement enseignées en marketing mais elles ne sont plus aussi
pertinentes aujourd’hui.
En
effet, les marketeurs sont de plus en plus amenés à être des
psychologues de l’acte d’achat et, en même temps, les réseaux sociaux
deviennent un nouveau territoire d’exploration et de prescription.
Le
véritable enjeu est donc d’estimer le pouvoir de prescription des
clients, ce qui signifie évaluer un client par rapport à la pertinence
et au potentiel de son réseau social : il s’agit du Social Score
qui permet d’avoir une meilleure perception des mécanismes de
prescription et de ne plus aborder la cible potentielle selon son
potentiel d’achat.
Il ne s’agit pas là d’un effet de mode mais bien d’une véritable tendance de fond.
Pour ce qui est du Kotler,
il est bel et bien dépassé, c’est incontestable : pour l’anecdote, j’en
ai même trouvé un exemplaire dans une poubelle près de mon agence de
marketing relationnel, l’occasion pour moi de le lire pour la première
fois et de pouvoir établir ce constat !
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Vous
êtes co-auteur du livre ‘Le marketing de l’ego’ élu ‘Meilleur livre
2006’ par les Directeurs Commerciaux de France. Est-il toujours
d’actualité à l’heure du collaboratif et de la consommation-citoyenne ?
Ce
livre aurait besoin d’une remise à jour mais pas d’une modification
dans le fond. L’égo est un moteur qui fonctionne encore et irrigue
aujourd’hui les réseaux sociaux et les blogueurs qui souhaitent
accroître leur pouvoir d’influence. Internet augmente les possibilités
de manifester son ego !
Les
marques, les enseignes ou corps de métier en contact avec les clients
ont beaucoup de difficultés à adopter une stratégie ‘orientée vers le
consommateur et ses centres d’intérêt’, c’est à dire tout simplement à
se mettre à la place de leurs clients … Ils sont très loin du marketing de l’ego
Par
exemple, j’ai acheté un caméscope sensé être le meilleur dans une
chaîne de magasin et il est tombé en panne 2 mois après. Je l’ai amené
pour réparation et 3 mois après il est toujours en réparation. Or, pour
moi, c’est un véritable outil de travail ; son absence me gêne
terriblement, mais le distributeur ne semble pas avoir conscience de ce
que cela représente pour moi malgré mes multiples réclamations… J’ai
payé un produit dont l’usage n’est plus disponible. C’est inadmissible
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Le corporate blogging, vous y croyez ?
Un
blog est un outil fabuleux en cas de communication de crise car il
permet à une marque de restaurer le dialogue avec le consommateur, de
désamorcer les réactions négatives, d’être réactif.
Plus
généralement, pour une entreprise ou une marque un blog est une bonne
démarche qui fonctionne uniquement s’il y a une authenticité. Le PDG
doit s’impliquer et non pas déléguer sans quoi son discours
–immédiatement- perdra en crédibilité.
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Le buzz … Quelle définition pouvez vous en donner ?
Le
Buzz, c’est un peu comme faire du feu dans la cheminée : on débute par
du papier journal, du petit bois, des buches moyennes puis plus
grosses. Il s’agit d’une réaction en chaîne qui ne prend que si l’on a
choisi les bons ingrédients et si on les a allumé dans le bon ordre… Le
buzz peut être planifié, orchestré à 2 conditions :
– disposer d’un réseau de blogueurs influents et mobilisables et seulement ???
– établir un dialogue sincère avec les blogueurs en charge de relayer votre message
En
effet, lorsque les marques sollicitent les blogueurs, ces derniers
n’adhèreront que s’ils estiment que cela en vaut la peine parce qu’ils
engagent leur responsabilité.
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Danone s’apprête à sortir dès la rentrée un pack de 6 yaourts aromatisés à 0.99 € , qu’en pensez-vous ?
Avec les euros, on constate qu’il y a beaucoup moins de prix de ce type dits ‘prix cassés
Une étude récente réalisée aux Etats-Unis a démontré que les prix avec des centimes étaient plus crédibles car jugés plus précis par rapport à des prix ronds.
Ma recommandation pour Danone aurait été de fixer le prix de ce pack à 1.20 € et d’accorder 20 centimes de remise en caisse.
Egalement,
pour réellement convaincre le consommateur sur son engagement pour le
pouvoir d’achat, Danone devrait décliner ce concept à l’ensemble
de ces gammes, autrement le consommateur assimilera cette démarche à un
coup publicitaire pour surfer sur la vague du pouvoir d’achat …
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Côté enseignes, que pensez-vous de Leclerc et de son combat contre les pharmaciens ?
Dans
les supermarchés aux USA le rayon pharmacie est très développé – seuls
les médicaments délivrés sous ordonnance médicale sont délivrés par le
pharmacien. Leclerc a raison de livrer ce combat mais son côté
‘défenseur – chevalier blanc’ des grandes causes me dérange car sa
démarche n’est pas désintéressée. La médiatisation autour de ses
combats ne trompe personne …
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La confiance marques-consommateurs a été chahutée par la médiatisation autour de la hausse des prix … Comment la rétablir ?
Avant
de la rétablir, il faudrait tout d’abord l’établir par l’authenticité,
l’écoute, l’honnêteté et surtout moins de paillette dans les discours
publicitaires.
Les marques doivent à mon sens être plus proche de la réalité, tout simplement… la ‘fidélisation à papa’ est dépassée …

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