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À l’occasion du 55e Festival international de la publicité, à Cannes, Stratégies a choisi dix agences parmi les plus créatives.
Jusqu’au 22 juin, le 55e Festival international de la publicité de
Cannes réunit le meilleur de la publicité mondiale. Quelque 9 500
participants et 12 000 visiteurs sont attendus tandis que 28 284
campagnes en provenance de 85 pays figurent en compétition. Parmi les
favoris dans la catégorie Film : Fallon Londres pour le « Gorilla » de
Cadbury et « Sony Lay Doh », TBWA Chiat Day pour une série de films
pour la marque de confiserie Skittles, Abbott BBDO pour le nouvel opus
de Guinness, « Tipping Point », et BBDO New York pour le projet HBO «
Voyeur ».
Voilà pour les stars. Mais sur la Croisette seront présentes des
agences moins connues et dont il se dit pourtant qu’elles sont
actuellement les plus innovantes. Nous en avons choisi dix (toutes hors
de France), laissant de côté certaines évidences pour se concentrer sur
celles qui se sont illustrées ces derniers mois aux Eurobest, Clio, One
Show et autres D & AD Awards. Pour établir cette liste – selon le
principe une ville, une agence -, nous avons également interrogé des
patrons créatifs à Paris (1).
Dans le lot des agences retenues figurent des habituées de Cannes
qui restent, année après année, étonnantes de créativité et
d’innovation, comme Crispin Porter Bogusky. On trouve des étoiles
montantes, telle la japonaise Projector. Ces structures inventent aussi
de nouveaux modèles d’agences. Cette sélection, si elle n’est en rien
exhaustive, devrait se voir confirmée dans les jours à venir sur La
Croisette. Sauf surprise, toujours possible à Cannes, ces agences
devraient récolter le fruit de leurs efforts déjà primés sur le circuit
international.
(1) Merci à Erik Vervroegen (TBWA Paris), Stéphane Xiberras (BETC
Euro RSCG), Andrea Stillacci (Callegari Berville Grey) et Pascal
Grégoire (La Chose).
Bangkok : Creative Juice G1, la touche thaï
Chez TBWA Paris, Erik Vervroegen, le directeur de la création, ne
jure que par la Thaïlande et particulièrement par l’agence Creative
Juice G1. Et pas seulement parce que celle-ci fait partie, depuis 2002,
du réseau TBWA Worldwide. Installée au 3e étage d’une tour de bureaux
de Lang Suan, le quartier des restos chics et des pubs de jazz de
Bangkok, l’agence repose essentiellement sur ses deux stars, les
directeurs de création. Le premier, Thirasak Thanapatanakul,
trente-huit ans, étoile montante des créatifs asiatiques, a rejoint
l’agence en 2004, raflant depuis cette date douze Lions, dont trois
d’or à Cannes en 2005 et deux du même métal en 2006. En 2005, il a été
nommé créatif de l’année par Media magazine. L’an dernier, sa campagne
« Probability » pour Bangkok Insurance (photo) a remporté de l’or à
Cannes, des Clios d’or et un Silver aux One Show. Les spots jouaient
sur des situations loufoques à la probabilité infinitésimale : une
voiture perdant sa roue sur une route à quatre voies avant de la voir
se remettre en place, un braquage où la balle ricoche, etc. L’autre
directeur de création, Prangthip Praditpong, a également été élu au
premier rang des créatifs du classement 2007 du Media Annual Creative.
« Le succès de notre publicité réside d’abord dans notre culture,
expliquait Thirasak Thanapatanakul dans une interview post-Cannes.
Quand un Thaïlandais glisse sur une peau de banane, il éclate de rire.
» La pub thaï est à cette image : un humour sans nuance, mais efficace.
Sur La Croisette, Creative Juice G1 arrive notamment avec une très
belle campagne print pour Yellow Pages et une autre pour la boisson
locale D7 Coffee.
Buenos Aires : la fibre universelle de La Comunidad
Depuis son lancement en mars 2001, « La Comu » n’a cessé de
grossir… Fondée à Buenos Aires par un duo fraternel de publicitaires
argentins, José et Joaquin Mollà, cette agence indépendante est
aujourd’hui considérée comme l’enseigne la plus créative d’Amérique
latine. Mais la renommée de ses créations a depuis bien longtemps migré
jusqu’aux États-Unis. L’agence possède en effet une soeur jumelle
installée en plein Miami. Résultat, les clients affluent des deux côtés
du continent : Subway, MTV, le magazine Rolling Stone, Virgin Mobile,
Bafici (le festival du film indépendant de Buenos Aires, photo),
Volkswagen, Citibank, Best Buy, le quotidien argentin La Nacion ou
Johnson & Johnson…
La publicité, chez les Mollà, c’est vraiment une histoire de
famille ! Le grand-père de la fratrie était en effet le créateur d’une
des premières agences argentines. Avant de fonder leur propre
structure, José était directeur de la création en charge de Nike au
sein de l’agence américaine Wieden Kennedy tandis que Joaquin avait
fait ses armes comme directeur créatif chez Ratto/BBDO (Argentine). En
2001, ils ont créé La Comunidad avec l’idée que chaque marque possède
sa communauté avec laquelle elle est connectée via des valeurs
universelles dépassant les pays et les peuples. Un concept précurseur à
l’époque, et que la puissance du Web a depuis prouvée maintes fois. Un
bon moyen de secouer la vieille école hispanique et de la sortir des
clichés habituels, genre sombreros et familles ultra-nombreuses… Six
ans plus tard, la vision de La Comunidad reste pertinente.
New York : Anomaly, la rebelle
Sur le sol du hall d’entrée du loft de l’agence Anomaly à New York,
la silhouette dessinée d’un cadavre. Scène de crime ? Non. « Et voilà
la mort du vieux modèle de publicité. Tué en pleine course », s’amuse
Jason Deland, cofondateur de l’agence en 2004 avec quatre anciens de
ses confrères, dont Carl Johnson (ex-PDG de TBWA Chiat Day) et Mike
Byrne (ex-directeur de création en charge de Nike chez Wieden Kennedy).
On l’aura compris, Anomaly se pose en pourfendeur de la pub
traditionnelle. La recette ? Mélanger les différents talents et
métiers, la construction de marques, le design, les médias, la
guérilla, l’interactive, etc. « Lorsqu’un client vient nous voir avec
un problème publicitaire, Anomaly s’adresse à lui comme à un partenaire
de " business ", envisageant son problème de manière globale, du design
au développement de produit. » Anomaly (20 millions de dollars de
chiffre d’affaires) a raflé en 2007 quelques gros budgets, tel Converse
(photo). Elle a orchestré à New York une opération de guérilla
marketing pour l’organisation Keep a Child Alive : des membres de
l’agence se sont glissés dans la file d’attente de l’Apple Store pour
acheter le premier Iphone, le revendant ensuite sur Ebay 100
000 dollars. L’an dernier, appliquant à la lettre le précepte de Jay
Chiat sur la croissance et la nécessité de ne pas dépasser soixante
employés, elle a créé Another Anomaly, dirigée par Duncan Bird, qui
compte quinze salariés. Anomaly devrait ouvrir prochainement un bureau
à Londres.
Bombay : JWT Mumbai en lévitation créative
Avec 15 Lions, l’Inde s’est fait remarquer l’an dernier à Cannes.
Cette année encore, il faudra compter avec ce pays, qui a inscrit 1 023
travaux en compétition. Et dans le bataillon indien, JWT Mumbai devrait
s’illustrer. Sur les huit bureaux que compte JWT en Inde, celui de
Mumbai se détache nettement, se hissant au 1er rang sur le marché
asiatique et passant du 68e au 16e rang international dans le
classement du magazine Campaign Brief Asia. Qui a élu Hital Pandya,
l’un des quatre directeurs de la création, « India’s Hottest Creative
». Ce dernier figure également, avec Karan Amin, dans le classement des
50 premiers créatifs asiatiques. Parmi les dernières créations de JWT
Mumbai à surveiller, une campagne print pour le magazine Times of
India, qui a obtenu en Inde la récompense suprême dans la catégorie
presse magazine, mais aussi une annonce print pour Reynolds Permanent
Makers, « Twins », deux petites jumelles que seule une mouche minuscule
tracée au marqueur permet de distinguer et qui a obtenu de l’or aux
derniers Clio Awards de Miami. Craig David, le directeur de création
monde de JWT, a toujours souligné l’importance des campagnes presse
contribuant au progrès culturel du pays. Au rayon films : « Traffic »
pour Nike Cricket, lauréat d’un Clio d’argent, un film pour Lux,
adaptation « indiennissime » de la signature « Play with beauty », et «
Insurance » pourraient décrocher des trophées.
Stockholm : Farfar éclaire le monde
Impossible, sur La Croisette, à Cannes, de rater cette belle
suédoise. Créée en 2000, Farfar a été rachetée en 2005 par Isobar
(Aegis). L’agence, qui emploie une centaine de personnes à Stockholm, a
été classée au premier rang des agences interactives par le Gunn Report
2007. Cette année-là, Farfar a raflé pas moins de cinq Grands Prix et
plus de trente Awards sur le circuit international. Parmi ses travaux
les plus remarqués, ceux pour Absolut, Red Bull et Bjorn Borg. L’an
dernier, à Cannes, Farfar a décroché le Grand Prix Cyber avec
l’opération « Heidies » pour Diesel – où des mannequins prêtes à tout
pour porter cette marque kidnappaient un vendeur dans une chambre
d’hôtel (photo) – et deux Clios de bronze, pour « Emotional Cities » et
le jeu en ligne « Get out & Play » pour Nokia N-Gage. Plus
récemment, pour Nokia N-Gage encore, l’agence suédoise a orchestré un «
flash mob» (mobilisation éclair) en plein centre de Lisbonne qui
mettait en scène plus d’un millier de figurants.
Farfar, qui se définit comme un « time bandit », explique « créer
du temps » en s’affranchissant des traditionnelles limites du 30
secondes et autres frontières médias. Interrogé par Campaign sur les
raisons du succès de Farfar, son président, Mathias Palm-Jensen, a
répondu : « Ne me demandez pas ce que Stockholm fait de bien, demandez
au reste du monde ce qu’il fait de travers. » L’an dernier, Farfar a
ouvert un bureau à New York. Elle va lancer à l’automne prochain sa
propre école, la Farfar Academy. Sur La Croisette, l’atelier créatif
animé par l’agence le 20 juin devrait être « the place to be »…
Londres : Poke joue bien sa partie
Comme sa maison mère Mother, l’agence interactive Poke, créée à
Londres il y a deux ans, laisse parler son travail, avec un portfolio
évocateur. Codirigée par Nick Farnhill, Peter Beech, Tom Hostler et
Iain Tait, elle a produit en 2007 des campagnes interactives
remarquables pour Orange (photo). Pour le festival rural de
Glastonbury, elle a imaginé un « advergame », baptisé « Spot the bull
», mettant en scène Derek le taureau, un authentique animal entouré de
caméras et équipé d’un GPS, dont les Internautes devaient deviner
chaque jour les déplacements, misant sur la partie de l’enclos où il se
trouvait. L’opération ayant généré un immense trafic sur le site, «
Spot The Bull » a été reconduit en mai 2008. Fin 2007, Poke a lancé un
site sans fin, « Orange Unlimited » (Clio de bronze), et il y a peu la
première course de ballons sur Internet (www.playballoonacy.com),
toujours pour l’opérateur.
Classée au 2e rang des agences numériques par Campaign, Poke
réalise un chiffre d’affaires de 5,075 millions d’euros pour 22
clients, dont quatre gros budgets raflés en 2007 : Alexander McQueen,
BBC Worldwide, WWF et Top Shop. En avril, l’agence a ouvert un bureau à
New York, qui s’est déjà illustré avec l’opération « Million » en
partenariat avec Droga 5. Depuis la rentrée, Simon Waterfall, l’un des
trois directeurs de créations de Poke (avec Nik Roope et Dave Birrs),
préside les D & AD. Ce qui devrait concourir à faire émerger
l’agence hors de son strict terrain interactif.
Bruxelles : Mortier Brigade sort l’artillerie
Aujourd’hui, la publicité est comme un plat de macaronis réchauffés.
» C’est avec ce genre de phrase définitive que le créatif belge Jens
Mortier justifiait, en novembre 2004, la création de son agence, avec
le concours de ses compères Philippe De Ceuster, Joost Berends et Dirk
Debeys. Auparavant, la bande des quatre avait fait ses gammes chez
Duval Guillaume, la référence publicitaire outre-Quiévrain. Mortier
Brigade annonce la couleur dans son logo (une marguerite aux
pétales-missiles) comme dans sa devise (« confuse & conquer, soit «
semer le désordre et conquérir »). « En faisant appel à des
francs-tireurs créatifs, en pratiquant une approche ouverte des
supports et des canaux, nous voulons que la publicité sorte du
train-train quotidien et redevienne une chose que l’on déguste avec
plaisir », lance la fine équipe, avec pour modèles des agences comme
Mother et Kessels Kramer. Multiprimée par le Creative Club of Belgium,
Mortier Brigade (23 personnes pour 2,6 millions d’euros de marge brute)
présente cette année une trentaine de campagnes à Cannes, dont
l’opération « Music for life » de la radio Studio Brussel et de la
Croix-Rouge, couronnée d’un Gold aux derniers Clio Awards. En quatre
ans d’existence, l’agence affiche trois Lions à son actif : un argent
(Ebay) et deux bronze (prothèses auditives Laperre, Journée de
l’égalité salariale). Parmi ses clients : Deutsche Bank, Mobistar, Le
Soir et Nike Belgium.
Marie Maudieu
Posté sur : levidepoches.fr/echange
Posté par : Loïc LAMY
source : Stratégies

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