« Branded content » : quand les marques deviennent média…

    

Le
buzz marketing serait-il déjà dépassé ? Oui, à en croire Vincent
Balusseau, Directeur général du groupe Première Heure, qui dévoile ici
le concept de « branded content », la transformation des marques en  média. Par ici l’innovation…

Publicitor :

Les modes se succèdent dans la publicité. On ne parlait que de
marketing viral et de buzz marketing, voilà que la vogue du « branded
content » bat son plein. Nouveau buzzword, justement, ou tendance de
fond ?

Vincent Balusseau :

Viral, buzz, advertainment, branded entertainment ou branded
content (ces 3 derniers mots recouvrent une réalité assez proche)
participent tous d’une même logique : offrir à des consommateurs des
contenus ou expériences suffisamment attractifs et gratifiants pour qu’ils choisissent de s’y exposer. Autrement dit, qu’il s’agisse d’un film viral, d’une websérie réalisée par une marque (les Ypes pour Eurostar, ou Clearification pour Microsoft) ou d’un jeu vidéo brandé (le jeu Coke Zéro ou gettheglass pour GotMilk,
les consommateurs décident d’y accorder leur attention, en se rendant
par exemple, sur le site de destination de l’annonceur ou en cliquant
sur une vidéo sur un site d’agrégation de contenus (comme DailyMotion).

Ce mouvement-là – proposer des contenus suffisamment fort pour
provoquer un comportement volontaire d’exposition – est une tendance
lourde, qui vivra en parallèle et en complément de la publicité
traditionnelle.

Publicitor :

Quelle est la spécificité du branded-content dans la communication multicanale ?

Vincent Balusseau :

L’objectif d’un film viral diffusé sur Internet, c’est non
seulement d’être vu, mais d’être suffisamment impactant pour que
l’internaute ait envie de le forwarder (transmettre) à ses amis
– via sa liste de contacts sur Facebook, par exemple. Obtenir ce type
de réaction implique souvent de recourir à des gags, des effets de
surprise, de l’action, etc.
Les contenus de marque englobent les films viraux, mais offrent
des formats et des registres d’expressions plus nombreux sans pour
autant poursuivre nécessairement un objectif de transmission immédiat.
Certaines marques de luxe (Cartier, Prada, Louis Vuitton) ont ainsi
produit des court-métrages et ont fait appel à des artistes pour
proposer des spectacles parfois plus contemplatifs, très beaux
visuellement et sur des registres totalement différents. L’idée est ici
de mettre en scène l’univers et les valeurs de la marque via un format
plus long, afin de créer des émotions, donc de l’impact, de
travailler les associations à la marque et la préférence de marque. On
ne vise pas un effet « choc », mais une expérience qui cadre avec le
registre d’expression de la marque et qui offre souvent la voie à des
expériences interactives, voire « immersives ». Et les experts
s’accordent au moins sur un point : l’émotion est le meilleur
prédicteur de l’impact publicitaire…

Publicitor :

Pourquoi les marques investissent elles d’autres types de format ?
Car s’il faut créer les contenus, il faut aussi faire en sorte qu’ils
soient vus… ? Est-ce de l’argent bien investi ?

Vincent Balusseau :

L’efficacité des actions classiques et du spot de 30 secondes est
certes remise en question depuis la publication récente de différentes
études qui tendraient à prouver que les formats classiques, fondés sur
une exposition « subie » du consommateur, perdent en efficacité. Mais
le spot TV reste indispensable aux marques cherchant une couverture
large sur des cibles grands publics, malgré la « fragmentation des
audiences » et la consommation simultanée des média. Le lien entre
pression GRP et ventes reste certainement valable. Les études annonçant
la fin de la publicité sont donc à mettre en perspective.

Il n’en demeure pas moins qu’un « programme de marque », comme un court métrage (Love, de Cartier) ou une téléréalité brandée (Gamekillers
pour Axe) permet de raconter une histoire dans la durée, d’introduire
(par exemple) des personnages auxquels les consommateurs de la marque
peuvent s’identifier et donc de créer de l’émotion et de l’adhésion
au-delà de ce qu’un 30 secondes ou un print peuvent générer.
Pour les marques qui bénéficient quasi naturellement d’un « public »
(les marques bénéficiant d’une implication significative à la
catégorie-produits, entre autres), les opportunités sont alors
immenses : de la préférence de marque au déclenchement d’achats
d’impulsion sur des sites marchand, des contenus « forts » peuvent
effectuer un travail essentiel dans le mix communication
. En outre,
les meilleurs contenus ont bien sûr un potentiel viral ainsi qu’un
potentiel exploitable auprès des leaders d’opinion (journalistes et
autres influenceurs online), qui permet d’accroitre la portée d’une
campagne…La plupart du temps, ces contenus sont cependant d’abord
destinés à un « cœur de cible » d’individus connectés, potentiels
évangélistes dans leurs groupes d’appartenance, que la marque choisit
de travailler en profondeur.

Et vous avez raison : encore faut-il que ces contenus
soient vus… À mon sens, les contenus de marque introduisent alors un
nouveau paradigme : le champ concurrentiel des contenus de marque
n’est pas celui des autres contenus publicitaires, mais l’ensemble de
l’offre de contenus disponibles…
. C’est un paramètre essentiel sur
une cible de 15/35 particulièrement surconnectés. On peut choisir de
jouer au jeu vidéo de Coke Zéro, ou de passer plus de temps sur GTA4…
Autrement dit, un contenu « pauvre », mal conçu ou mal produit, ne
pourra émerger sans renfort de médiatisation important, ce qui alourdit
d’autant le coût total [1]
… Il faut donc non seulement que ce contenu ait un fort pouvoir d’appel
mais qu’il offre aussi une valeur suffisamment élevée pour, idéalement,
provoquer un comportement de verbalisation (j’ai envie de parler de ce
que j’ai vu à mes amis) voire de prescription (je recommande à mes amis
d’aller le voir). Ce qui revient à dire qu’allouer des moyens
insuffisants à la conception et à la production de l’histoire que la
marque veut raconter conduira invariablement à une inflation des couts
média si les objectifs de trafic ou de visibilité sont élevés…

Publicitor :
Dans ces conditions, les marques ne bénéficiant pas d’une implication
forte ou significative à la catégorie de produits auraient-elles
vraiment intérêt à investiguer ces nouveaux formats d’expression ?

Vincent Balusseau :

Oui, de beaux exemples le prouvent ! Pensez à la DARE (association pour le Droit Aux Rasages Extravagants) pour les rasoirs Wilkinson par Mediaedge (CIA et Première Heure), en France, ou à Brawny Academy
pour une marque d’essuie-tout par Fallon. Il s’agit de vraies réussites
si l’on considère que le pouvoir d’appel « théorique » de ces marques
est assez faible. Mais le travail d’écriture et de production a permis
d’accoucher de dispositifs suffisamment séduisants pour que les
internautes ou téléspectateurs se prennent au jeu…

Dans tous les cas – implication faible ou forte à la catégorie –,
si les marques veulent se créer et fidéliser leur propre audience,
alors elles entrent dans une toute autre dimension : elles deviennent
des entertainers à part entière. Il s’agit d’une nouvelle
vocation, d’un nouveau métier qui implique de nouvelles collaborations
dans la chaîne de valeur de l’écriture et de la production de cette
« para-publicité ». Un vrai défi pour les agences qui capitalisent
traditionnellement sur les créatifs, alors qu’ici les auteurs de
fiction – entre autres – deviennent essentiels sur ce type de projet.
C’est là que de nouveaux partenariats entre les agences et les sociétés
de production – qui travaillent au quotidien avec les auteurs et les
artistes – restent à inventer, en France en particulier.

Publicitor :
Les contenus doivent ils toujours servir à « divertir » ? Quelle est donc la différence entre branded entertainment et branded content ?

Vincent Balusseau :

D’une manière générale, les marques qui apporteront de la valeur  à leur public à travers leur communication feront la différence. Ce qui veut dire que le divertissement est un axe possible, au même titre que l’information ou les services.
Divertissez-moi, informez-moi ou rendez-moi un service et j’écouterai
plus volontiers ce que vous avez à me dire et ce, d’autant plus que
cette valeur correspond à ce que je recherche et est à la hauteur de ce
que je peux obtenir par ailleurs…

On parle donc de « contenus » (branded content) au sens
large, ce qui englobe par exemple les widgets conçus pour rendre des
services aux utilisateurs. Les Anglais parlent d’ailleurs de branded utility, soit l’utilité, la valeur que la marque parvient à délivrer à travers différentes initiatives à 360°, ou à travers du branded entertainment, des événements, des lieux propriétaires de marques – en un mot, des expériences accessibles sur tous les points de contacts et sur tous les écrans (mobiles, consoles, etc.) pertinents. Le mot branded entertainment regroupe les initiatives plus « ludiques », liées au divertissement.

Consultez le site du groupe Première Heure.
Première
Heure est la plus importante société de production publicitaire
française. Elle a produit en particulier les deux derniers Cyberlions
Français à Cannes (Dare pour Wilkinson en 2006, Famille Barclays pour
Barclays en 2007).

Posté sur : levidepoches.fr/echange
Posté par : jérémy dumont

source : publicitor

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