Le fait de raconter une histoire liée à une entreprise ou à un produit n’est pas nouveau. Cette tendance s’est développée durant le siècle dernier avec l’essor de la publicité. C’est même une des caractéristiques des marques fortes. Souvenons-nous du Porto Sandemann, la boisson de Don Sandemann, personnage à longue cape et chapeau ibérique, aussi énigmatique qu’imaginaire ; ou du sel Cérébos jeté par le petit garçon sur la queue de l’oiseau dans l’espoir de l’attraper. Pensons à Monsieur Propre, ce colosse chauve et musclé qui, en bon génie mythique, sort du flacon de détergent pour tout nettoyer.
Depuis 1950, les techniques se sont sophistiquées et le « story-telling » (ou « fait de raconter des histoires ») est devenu une composante majeure de la publicité. La marque devient un récit, et les campagnes de pub des séquences narratives. Le consommateur achète désormais une histoire qui lui plait : la saga de la Mini-Cooper, du fabricant de micro-ordinateurs Apple, de l’assureur MAAF ou de Starbuck café.
Aujourd’hui le « story telling » fait l’objet de colloques, séminaires, tables rondes qui réunissent publicitaires et gens de marketing. Pourquoi met-on le sujet sur le tapis? Sans doute parce que, dans un climat de défiance à l’égard de la publicité , les « consomm’acteurs » pensent que les histoires racontées par les marques ne sont pas innocentes. Ils ont le sentiment qu’elles servent à « raconter des histoires » dans le sens de dissimuler tout ou partie de la vérité derrière des fables jolies ou amusantes.
Prenons un (contre) exemple de ce que nous pourrions appeler un « imaginaire faux » : un film montre un bon paysan à l’accent rocailleux manipuler avec amour un saucisson (ou un fromage) dans une vieille ferme pittoresque au milieu de la nature. Cette image publicitaire cent fois vue à la télévision masque généralement une réalité beaucoup moins séduisante : celle de porcs ou de vaches soumis à un élevage intensif, de produits « paysans » chargés en composants chimiques et souvent transformés dans des zônes industrielles de grande banlieue…
Chacun peut voir que ce type de « story telling » basé sur un imaginaire faux est de plus en plus décrié. Il suffit pour s’en convaincre de voir les chiffres précités ou de constater le taux de croissance à deux chiffres de l’alimentation « bio ».
D’ailleurs une analyse de la communication de ce secteur démontre que les consomm’acteurs s’attendent à ce que la mise en scène publicitaire d’un produit bio corresponde à la réalité.
Beaucoup réclament aujourd’hui une communication plus responsable (à commencer par les auteurs de cet article, membres du collectif des Publicitaires Eco-Socio-Innovants). Mais si l’on veut une communication plus éthique ; si l’on veut être transparent sur l’impact des produits et des marques, ne condamne-t-on pas toute fiction publicitaire ? Dis autrement : la remise en cause du « story telling » basé sur un imaginaire faux ne risque-t-elle pas de condamner la créativité et l’inventivité dans la conception d’une marque et de sa communication ? Ne risque-t-on pas, par souci éthique, de revenir à une publicité simplement informative, sans séduction ni imaginaire ? Nous pensons bien sûr le contraire.
La prise en compte responsable de la réalité dans la communication est facteur d’impact et de créativité. Elle permet de raconter des histoires beaucoup plus fortes, pertinentes et efficaces commercialement. Elle perpétue en cela la tradition ancienne des vendeurs des marchés d’autrefois ou des souk arabes d’aujourd’hui qui savent mettre en scène leur produit (étant étroitement imbriqués dans le tissu social local, il savent aussi la nécessité de raconter une histoire vraie).
Définissons maintenant ce que serait un imaginaire vrai. Le principe est à la fois extrêmement simple à comprendre… et difficile à mettre en œuvre dans le contexte actuel d’hyper-industrialisation : l’histoire proposée doit correspondre à la personnalité et aux actions réelles de l’entreprise, ainsi qu’à la genèse et aux qualités certifiées du produit. Une démarche bien différente de celle qui consiste à combler artificiellement un besoin d’imaginaire repéré.
Ecrit par: Alexandre Pasche et Sauveur Fernandez
Posté par: Morgane Craye
Publié sur: levidepoches/communication
Pour plus d'information cliquez ci-après pour lire le rapport d'innovation "le Storytelling"
réalisé par les membres de courts circuits

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