Dans l’économie immatérielle, les entreprises doivent se développer grâce aux Idées, par Denis C. Ettighoffer

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Le Forum de Davos de 2006 avait pour
thème « l’impératif créatif ». Lors de son discours d’ouverture, son
fondateur, le professeur Schwab, a fustigé le mépris des idées et
argumenté pour «une économie fondée sur les idées et la capacité à les mettre en œuvre »[1]. Au «siècle des lumières » la force de la langue française tenait à la force des idées qu’elle véhiculait. Le
rayonnement culturel de la France n’a pas cessé de diminuer depuis.
Cela n’est pas le fait d’une faiblesse de la « langue », mais d’un
déficit de créativité. L’américain Paul Romer, professeur d’économie à l’Université de Standford, a développé une théorie de l’économie des idées
à l’origine d’une croissance économique au moins aussi spectaculaire
que celle des gains de productivité dus à la systémique informatique[2]. De ses travaux, on retient que l’économie des objets est différente de celle des idées. L’une est physique, finie, elle débouche sur la pénurie. L’autre ouvre un champ inimaginable de choses que nous pouvons faire. Aux États-Unis, mais aussi en Europe et dans les pays du Sud. Ce
qui manque aux pays en développement, ce sont les idées plus que la
main-d’œuvre ou le capital. Il est possible de les y amener. Mais ces
idées ne sont pas dans les bibliothèques, elles sont dans les
entreprises
. Aujourd’hui, elles circulent sur la Toile ! Aussi
nous faudra-t-il investir la Toile et avoir des idées, beaucoup
d’idées, de la jeunesse, de la folie, un peu, et de l’audace, beaucoup,
pour redevenir le pays fertile du « siècle des lumières ». Avec
l’Internet, plus d’un milliard et demi de personnes peuvent y échanger
leurs connaissances, établir des contacts sociaux. Pour la première
fois dans l’histoire humaine, la coopération massive d’individus de
toutes origines à travers le temps et l’espace est soudainement facile
et de moins en moins coûteuse. Dans des espaces numériques dédiés, des
milliers de citoyens savants du Web pourront grâce à leurs
connaissances et à leurs idées se pencher sur divers problèmes et,
collectivement, leur apporter des solutions plus rapidement, plus
économiquement. L’ensemble de ces facteurs concourent à la création de lean organisations
à faible intensité capitalistique et à forte intensité de matière
grise, caractéristiques de l’économie coopérative. Les réseaux sociaux
deviennent des vecteurs d’essaimage d’idées, d’échanges d’expériences
et de recherches partagées. Les idées des individus savants peuvent
changer le monde et constituer de nouvelles sources de richesses.

La
France, dit-on, n’a pas de pétrole, mais saura-elle vraiment produire
des idées pour s’installer sur les marchés de l’économie immatérielle,
contrer ces compétiteurs et relancer durablement sa croissance !? Les
règles du jeu changent. Le marché des licences représentera plusieurs
centaines de milliards de dollars dans moins de vingt ans. Pour y faire
face la France est-elle suffisamment créative alors que la recherche
c’est du business et que les laboratoires et les universités
deviennent productrices de valeur grâce à la vente de licences ? Nous
devons devenir de vrais producteurs d’idées qui attirent les meilleurs
talents puis des « commerçants » des savoirs afin de rentabiliser le
fruit de nos innovations. Un paquet de grosses têtes ne fait pas un
groupe innovant. Cette confusion entretenue entre l’innovation et la
production d’idées me paraît dangereuse. Ce sont les idées qui
« allument » les innovations, pas l’inverse. Cette simple observation a
des répercussions considérables sur les méthodes utilisées pour gérer
des processus d’idéation qui deviennent collectifs. Les compétitions à
venir se déplacent vers les capacités des organisations à inventer,
mais aussi à mettre en œuvre leurs idées rapidement. La performance
d’une société moderne se mesure par sa capacité à passer de l’idée à
l’action. Il s’agit d’éviter de voir nos scientifiques et nos créatifs
s’enliser dans des organisations lourdes, incapables de réactivité.
Saurons-nous gagner des devises sur ces nouveaux marchés alors même que
la majorité de nos entreprises ne sait pas valoriser ses actifs
immatériels? Aurons-nous des entreprises et une nation fertiles,
abeilles et fleurs à la fois !? Entreprises, disposez-vous d’un
patrimoine intellectuel de valeur ? Seriez-vous exportatrices d’idées ?
Avez-vous de quoi offrir aux nouvelles bourses des savoirs ? Savez-vous
accéder aux idées pertinentes ? Faites-vous le nécessaire pour
valoriser le capital d’idées de vos collaborateurs ? Savez-vous
valoriser vos savoirs ? Savez-vous les rémunérer ?! Rendez vous
compte : dois-je être moins payé si je réalise en dix minutes ce qu’un
incompétent fera dans une journée ? Cette question sur la récompense de
la créativité des salariés, s’accompagne, avec les nouvelles logiques
de l’économie immatérielle, d’une remise en question fondamentale des ukases de la productivité du travail
et de la confrontation des facteurs de production traditionnels vue par
les économistes du 20ème siècle. Nous sommes dans une guerre de
l’intelligence. Il faut cesser de mener cette guerre des biens
immatériels comme on dirige une administration. La réponse aux
exigences de cette “créativité collective” ne se fera pas sans
bouleverser les façons de penser le management d’hommes organisés en
réseaux professionnels ni sans revoir les façons d’organiser l’accès à
des ressources immatérielles. Les entreprises devront absolument
libérer et encourager les échanges d’idées dans les réseaux et gérer
des processus de constitution des banques d’idées. Les dirigeants
devront reconnaitre leur personnel comme le premier élément de leurs
actifs immatériels. Pour vous familiariser avec cette … idée, je vous
invite à télécharger le chapitre VII « Pour profiter de l’économie des idées[3]», de mon livre « Netbrain, les batailles des nations savantes »[4]
qui vient d’obtenir le prix 2008 de l’économie numérique. Nous y
montrons les profits considérables dégagés par celles des entreprises
qui ont favorisés les espaces d’échange de connaissances et de
créativité. Car c’est cela notre capital aujourd’hui. Un capital
immatériel, gigantesque qui donne, aux pays comme aux entreprises qui
pétillent d’idées, la chance de fertiliser le monde et d’innover en
s’enrichissant.

Denis C. Ettighoffer


[1] Jean-Pierre Robin, Le Figaro du 8 janvier 2006.

[2] Voir http://www.jourdan.ens.fr/grenet/TD/TD11.pdf et le papier de Jean-Marc Vittori, « Innovation contre récession » qui résume les thèses de Romer http://membres.lycos.fr/ses2000/Progtech.htm Voir aussi http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Romer

[3] http://www.ettighoffer.com/fr/livres/7emechapitreNebrain.pdf

[4] Dunod 2008

Auteur : Denis C. Ettighoffer
Source : ettighoffer.fr
Publié par : Nicolas Marronnier
Publié sur : levidepoches

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