Introduction du séminaire « Digital humanities. Les transformations numériques du rapport aux savoirs. »
Programme du séminaire : http://blog.homo-numericus.net/article10258.html
Animateurs du séminaire : Pierre Mounier et Marin Dacos.
Hashtag Twitter : #DHDM
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Ce séminaire part de l’idée qu’émerge une discipline, appelée les Digital humanities, que l’on pourrait traduire en français sous l’appellation « Sciences humaines et sociales numériques ». Certains l’ont appelé Humanités numériques. D’autres ne l’appellent pas…
C’est précisément de ce problème que nous souhaitons parler. Avec l’arrivée de l’informatique dans les années 1970, de la micro-informatique dans les années 1980, du web dans les années 1990 et du Web 2.0 dans les années 2000, la science a été influencée fortement par des dispositifs technologiques forts. Elle a d’ailleurs régulièrement contribué à leur invention. Le web vient de Tim Berners Lee, à l’époque au CERN. Les licences libres, qui structurent fortement le réseau et le web, ont une origine universitaire également : la licence GPL a été créée par Richard Stallmann, chercheur au laboratoire d’intelligence artificielle du MIT aux États-Unis (1983).
En parallèle, les besoins en instrumentation de corpus n’ont cessé de croître. L’arrivée de la démographie historique, par exemple, est un exemple classique de besoins de calculs dépassant les capacités de manipulation manuelle. Depuis, l’explosion documentaire introduite par la numérisation du monde a augmenté considérablement les besoins d’instrumentation numérique. Cela passe, en fait, de l’identification à l’analyse, en passant par l’encodage et l’archivage. Mais il ne me semble pas avéré que les différentes vagues d’informatisation des méthodes de la recherche en sciences humaines, depuis les années 1970, aient débouché sur une approche cumulative, dans laquelles les premières initiatives auraient légué un héritage structuré, sur les épaules duquel les initiatives suivantes auraient pu s’appuyer.
On débattra, sans doute, de savoir si chaque discipline déjà établie doit se doter d’une science auxiliaire, par exemple, pour l’archéologie, une archéologie numérique, ou si les Digital humanities sont un objet à part entière, avec un corpus de méthodes, de concepts et d’outils cohérent, qui est totalement transversal. Je m’attarderai peu, à titre personnel, sur cette question, parce que je pense que c’est un problème institutionnel plus qu’un problème scientifique. En effet, auxiliariser complètement le numérique à l’intérieur de problématiques très spécialisées, risque de mener à des impasses et à une multitude de réinventions de la roue. Les tentatives d’approche cumulative en seraient altérées. Et, à l’inverse, détacherarbitrairement les digital humanities du substrat constitué par chaque paradigme disciplinaire resterait à la surface des choses, transformant lesdigital humanities en ingéniérie hors-sol…
En revanche, ce qui m’intéresse plus, c’est de travailler sur ces deux axes : les digital humanities comme science auxiliaire et les digital humanitiescomme disciplines, pour permettre une véritable professionnalisation. Je m’interroge, toujours, sur les connaissances en statistiques des études médicales portant sur la probabilité d’avoir un cancer lorsqu’on a eu un demi-frère qui a pris son bain tous les lundi avant d’aller à l’école, par rapport à ceux qui ont eu une demi-soeur qui prenait son bain le dimanche soir… La maîtrise des statistiques est une subdivision des Digital humanities. Ici, comme ailleurs, les erreurs sont au coin de la rue. L’instrument fait facilement illusion. Je jette mes données dans la machine, et la machine me rend un gloubiboulga scientifique, parce qu’elle ne comprend que des 0 et des 1, donc elle ne peut pas se tromper…
Bref, la mise en oeuvre d’instruments impose des compétences précises, comme l’introduction des sondages, des analyses factorielles et de tout autre dispositif à vocation heuristique l’ont imposé en leur temps. Il faut, pour cela, oser entrer dans le détail, et maîtriser en profondeur les limites des outils exploités. Je soupçonne que de nombreux thésards sont en train de comparer des requêtes sur Google entre « Nicolas Sarkozy » et « Jacques Chirac » pour mesurer leur popularité respective sur le réseau. Or, le nombre de biais d’une telle mesure, grossière, est proprement colossal… et je ne sais pas combien de jurys sont capables d’en décortiquer en détail les lignes de faiblesse…
Ces enjeux, mis en place, montrent bien que s’impose la constitution d’un état de l’art des digital humanities. Que des compétences spécifiques, pointues, et transversales, puissent émerger, se développer et, ensuite, être identifiées. Un état de l’art ne s’imposera pas depuis un individu ou un groupe isolés. Il s’imposera sur la base du consensus, après débats, confrontations, et discussions. Pour cela, il nous faut construire une communauté, la doter d’outils et de moments d’échanges, de dispositifs de publication et d’évaluation.
Or, il se trouve que la communauté des Digital humanities émerge de plus en plus nettement, en particulier en Angleterre et aux USA. Nous, français et européens du continent, sommes invités par les américains à nous positionner, à participer au développement de la discipline. Comment y contribuer?
Il y a plusieurs méthodes. Celle du Congrès et de la Constitution d’une société savante internationale, très classique, me semble inadaptée à la situation. D’abord, parce que la communauté est trop éparpillée, trop fragile, et n’a pas encore identifié ses membres potentiels. Ensuite, parce que l’objet concerné est, par conjoncture, immature et, par nature, dispersé. Structurer vite et fort pourrait avoir pour effet de geler l’état de l’art sur des bases aléatoires, et créer artificiellement de l’obscolescence. Or, nous n’avons pas besoin d’institutionnalisation, mais plutôt d’invention et de co-invention.
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SUR : Le Vide Poches
PAR : françois pérennès
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