« Censure du libre à la cité des sciences » de Jean-Noël Lafargue. Dans le cadre de l’exposition Contrefaçon, la vraie expo qui parle du faux, Isabelle Vodjani s’est vue commander un texte sur le phénomène dit « du libre » a la demande de l’INPI


Je ne serai pas le premier à évoquer cette nouvelle mais il me semble qu’il faut continuer d’en parler.
Dans le cadre de l’exposition Contrefaçon, la vraie expo qui parle du faux,
qui vient d’ouvrir à la Cité des sciences, Isabelle Vodjani (Université
Paris 1) s’est vue commander un texte sur le phénomène dit « du
libre », dans lequel elle est très impliquée. L’exposition traite de la
contrefaçon au droit d’auteur et il était tout naturel d’évoquer les
solutions alternatives à l’approche traditionnelle du copyright et des
brevets. Mais quatre jours avant l’ouverture de l’exposition, Isabelle
Vodjani reçoit des e-mails en provenance de la Cité des sciences, où on lui demande de pardonner le fait que son texte ne sera finalement pas diffusé dans le cadre de l’exposition, et ce à la demande expresse de l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle), principal partenaire de l’exposition.

On pourra déplorer le fait que la Cité des Sciences se place aux
ordres de ses « partenaires » jusque dans les plus petits détails du
contenu de ses expositions mais cela aura eu la vertu de rappeler les
limites de l’exposition sponsorisée. Il y a eu d’autres cas : que
penser par exemple, d’une exposition consacrée à la biométrie dont le
partenaire était Sagem Morpho, leader mondial des technologies de
triage biométrique des individus ? Comment imaginer qu’une exposition
sur la téléphonie mobile sponsorisée par Orange soit impartiale ? Et
une exposition sur les virus sponsorisée par l’institut Pasteur et par
Sanofi Aventis ? Tous ces gens ont des choses à vendre et même, une
vision du monde à imposer et des débats à museler. Cela constitue un
biais suffisamment lourd pour que l’on puisse qualifier de propagande
l’activité de la Cité des Science sur ces grandes expositions. C’est
navrant puisque pour le reste, cet établissement public (1)
fait un bon travail de pédagogie et de découverte et s’est toujours
montré ouvert au monde du « libre » — les deux dernières fois que j’ai
mis les pieds à la Cité des Sciences c’était d’ailleurs pour des
évènements en rapport.

À l’INPI, on se dit d’ailleurs aussi tout à fait ouvert au « libre » (du reste, le site de l’INPI est hébergé sur un serveur Apache et utilise le CMS Typo3, deux logiciels « libres »), et c’est peut-être le plus attristant de toute cette histoire.
Le service de communication de l’INPI justifie son ingérence en ces termes : « On a voulu rester light, on s’adresse à Monsieur et Madame tout le monde ».
La logique est torve : comment peut-on prétendre faire de la pédagogie
sur un sujet tout en refusant de le traiter complètement ? Ne cherchons
pas bien loin : si monsieur et madame « tout le monde » sont traités
avec condescendance voire avec mépris, c’est peut-être parce que le but
de l’exposition n’a jamais été d’aider quiconque à comprendre les
enjeux très complexes qui entourent le droit d’auteur, et surtout au
moment où ces questions n’ont jamais eu autant d’importance.

Les partenaires de l'exposition.

J’ai survolé le site de l’exposition.
On y trouve l’intox chauvine habituelle sur la distinction qu’il
conviendrait de faire entre « droit d’auteur » — une invention de la
glorieuse patrie des droits de l’homme et des artistes exploités, la
France — et « copyright » — funeste invention de ces méchants
anglo-saxons qui ne pensent qu’à l’argent (partenaires de l’info : Sacem,
Scam, Adagp). On y entend parler du droit à la copie privée (qui
justifie une taxe de 20 euros sur un disque dur de 500 gigao-octets)
mais pas du Fair-use anglo-saxon. On y apprend que les
américains n’arrivent pas à juguler le piratage sur Internet tandis que
la France a inventé Hadopi. On n’a pas de pétrole, mais on a des
députés godillots. On y apprend que les marques ont des droits mais on
ne nous dit pas qu’elles en ont souvent plus que les individus. On y
apprend que la lutte contre la contrefaçon de médicaments est motivée
par la peur que les gens s’empoisonnent mais pas que les brevets
permettent d’interdire à certains pays pauvres d’accéder aux
traitements dont ils auraient besoin (partenaires : Les entreprises du
médicament et Sanofi Aventis). On y apprend, enfin, que les brevets
protègent l’innovation technique, mais on ne trouve nulle mention (sur
le site en tout cas) du fait que les brevets sont aussi capables de
verrouiller des secteurs industriels et d’en empêcher les progrès. En
fouillant bien, on trouve une vidéo consacrée aux licences Creative
Commons : elle a dû être intégrée avant que la demande de censure du
sujet ne soit faite.


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