Géolocalisation, la rencontre du réel et du numérique. La démocratisation du GPS ouvre un nouveau champ d’opportunités pour le géomarketing.

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La
rencontre du réel et du numérique. A pied ou en voiture, les
consommateurs utilisent de plus en plus un GPS ou une carte numérique
pour se repérer. Une véritable opportunité pour les marques souhaitant
être présentes dans cet espace virtuel. Les plates-formes de
géolocalisation et les moteurs de recherches ont cependant besoin d’une
masse critique suffisante pour convaincre les annonceurs, gros ou
petits. Et de résoudre avant tout le problème de vie privée pour
convaincre les consommateurs.

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“Notre secteur de la location de salles étant méconnu, le
référencement sur Mappy, l’un des sites français les plus visités, nous
avantage”, explique Vincent Tricot, directeur associé de 1001 salles.
Toutes ses salles sont indiquées sur la carte numérique Mappy, 15e Web
site français en termes d’audience, ce qui permet à la marque de
toucher 10 millions de visiteurs uniques sur le Web. Une audience
appelée à se développer. Pour se repérer dans l’espace, les individus
cherchent de plus en plus à se géolocaliser en situation de mobilité.
Un cadeau du ciel pour les marques, qui peuvent profiter de ce
mouvement en investissant le terrain des cartes numériques. “Rien de
plus fantastique pour elles que de rentrer dans le quotidien des
consommateurs”, affirme Stéphane Anfosso, directeur marketing de Mappy.
Elles peuvent intégrer le Personal Navigation Device (PND), dédié à la
route, qui permet au chauffeur de ne pas déplier sa carte papier sur
son tableau de bord, plus connu sous le nom de Tom Tom, Becker,
Garmin,etc. On en compte au moins une dizaine de millions en France.
Deuxième support : les téléphones intelligents, des mobiles qui
permettent de naviguer sur Internet, et donc dorénavant dans l’espace
réel. Le cabinet d’analyse américain Comscore a dénombré 7 millions de
détenteurs en France. Munis d’un GPS, ces deux types d’appareils
indiquent la position de l’individu, grâce à l’un des satellites
américains gravitant au-dessus de la planète. Les cartes qui
s’affichent sur tous les PND et les logiciels pour smartphones
proviennent de deux seuls fournisseurs : Tele Atlas et Navteq, qui
couvrent l’ensemble du marché de la cartographie. Ils référencent à
leur niveau un certain nombre d’enseignes : hôtels, restaurants,
centres commerciaux, stations-service… “Nous en avons sélectionné 200”,
indique Michel Cohen, chargé de développement de la société Go2Poi,
représentant exclusif du programme de référencement sur Navteq. “De
leur côté, elles gagnent en visibilité. Du nôtre, nous informons
l’utilisateur sur les points d’intérêt”, indique-t-il. Sur l’Internet
mobile, il existe des programmes dédiés à la localisation des individus
cherchant leur itinéraire : Google map, Mappy, fournis par Tele Atlas,
ou Ovi Cartes, fourni par Navteq. A ce second niveau, de nouvelles
enseignes sont inscrites sur les cartes. “Plus tard, il n’est pas
interdit à un réseau de mode (Gap, H&M) de proposer des créations à
un club VIP, utilisateur de Mappy, qui accepterait d’être géolocalisé”,
indique Stéphane Anfosso.

Le web 3.0, rencontre
entre le réel et le numérique

Les PND, Google map, Mappy ou Ovi cartes, visent principalement les
grosses enseignes. Tandis que des moteurs de recherche associés à une
carte, qui ont la vocation de référencer l’ensemble des commerces,
apparaissent sur l’Internet mobile. Dismoioù invite ses
500 000 inscrits à donner leur avis sur les enseignes locales. La
start-up française propose aux commerces de mettre en place du
couponing géolocalisé, afin qu’ils gagnent ainsi en visibilité sur le
site. “Si l’utilisateur se trouve à proximité d’un restaurant,
l’établissement peut lui proposer un menu gratuit”, indique le
directeur marketing Herbert Knibiehly. A l’avenir, le système va
intégrer les goûts de chaque utilisateur pour leur recommander certains
sites. La société n’a pas encore démarché les grands comptes, mais
souhaiterait devenir leur plate-forme privilégiée. “Nous pourrions
proposer des jeux géolocalisés : les 50 premières personnes qui se
rendent à Virgin gagnent un CD.” De son côté, Frédérique Montagnon,
fondateur du moteur de recherche Nomao, estime que “le gros de notre
marché concerne les petites enseignes qui n’achètent pas d’espaces
publicitaires”. Certaines applications de géolocalisation ont intégré
une dimension réseau social. Elles permettent aux usagers de
communiquer leur position géographique et de connaître celle de leurs
amis. Ils peuvent publier un lien sur Facebook ou sur Twitter renvoyant
vers la carte Dismoioù. Et ainsi se retrouver ou fixer des rendez-vous.
Axée principalement sur le réseau social, l’application Foursquare
propose aux utilisateurs de procéder à des “checks”, lorsqu’ils passent
dans des lieux qui les intéressent. “Foursquare est davantage basé sur
le jeu. Chaque fois que vous “checker” un lieu, vous obtenez des points
qui vous donnent droit à des récompenses”, indique Vincent Berthelot,
conseiller en stratégie d’utilisation des médias sociaux à Conseil Web
Social. L’utilisateur peut devenir le “maire” d’un établissement,
c’est-à-dire le client le plus assidu, mais aussi le plus privilégié,
puisqu’il recevra des cadeaux. Des collègues de bureau peuvent ainsi
entrer en compétition pour devenir “le maire” de la brasserie du coin.
“Cela donne une image sympathique à l’établissement”, explique Vincent
Berthelot. Les grandes marques peuvent également profiter de ces
nouvelles tendances. Dans le cadre d’une opération de séduction, Pepsi
a versé des dons à une œuvre caritative, à chacun des plus gros
utilisateurs Foursquare de New York. Ces derniers l’acceptaient en
échange d’habiller leur page aux couleurs de la marque. L’émergence de
ces nouveaux outils correspond à l’avènement du Web 3.0, selon Stéphane
Anfosso, “la rencontre entre le réel (la situation géographique), et le
numérique”. La technologie de la réalité augmentée constitue
l’aboutissement de cette rencontre. Elle consiste à ajouter sur l’écran
représentant le réel des informations numériques, grâce à un logiciel
et à un système de capteurs.

Un problème de masse critique
Néanmoins, “le secteur explosera quand les marques auront compris le
potentiel. Il reste pléthore d’actions marketing à inventer”, indique
Herbert Knibiehly, chez Dismoioù. Pour les convaincre, les nouveaux
acteurs de la géolocalisation doivent relever plusieurs défis. Pour le
moment trop jeunes, les moteurs de recherche locaux doivent atteindre
une masse critique d’utilisateurs suffisante. “J’ai inscrit le magasin
sur Dismoioù car j’ai trouvé l’application sympathique. Mais je ne
l’utilise même pas. Et aucun client n’est venu me voir pour profiter de
l’offre de 10 % de remise réservée aux utilisateurs du moteur de
recherche”, relate Emilie Chellie, actionnaire de Linsolite, magasin de
décoration marseillais. “La publicité gratuite sur les journaux locaux
comme Marseille Hebdo, ou même nationale comme Elle, a beaucoup mieux
fonctionné. Tout comme la publicité sur catalogue”, explique-t-elle. Un
faible taux de rendement du couponing sur Dismoioù n’est cependant pas
pénalisant, puisque la start-up ne facture que les retours, de un à dix
euros. “Nous assisterons à l’émergence de tout petits annonceurs,
encore plus petits que sur le Web. Mais pour l’instant le secteur se
structure, il est balbutiant”, indique Benoît Corbin, président de
Mobile Marketing Association (MMA). “Nomao utilise la carte Google map,
les petits commerçants peuvent donc acheter de l’espace via la régie
publicitaire de Google. Mais il est difficile de leur expliquer le
système complexe de l’achat de mots-clefs. Nous leur proposerons donc
des solutions clefs en main. Une publicité pour la zone Paris XVe,
pendant cinq jours, par exemple”, annonce Frédéric Montagnon. Selon
lui, les grandes marques ou les réseaux de franchise organisent leur
communication au niveau national et régional. Pour la publicité locale,
ils disposent déjà d’outils comme le courrier ou le street marketing.
“Cela ne les intéresse pas de communiquer sur des moteurs de recherche
sur une zone de quelques kilomètres. Alors qu’atteindre 1 000 ou 2 000
utilisateurs suffit à remplir un restaurant”, explique-t-il. “Par
ailleurs, nous n’allons pas réinventer le monde. Avec ses régies
publicitaires, Google se place en pôle position pour référencer les
réseaux.”

Et une question de vie privée
Avec la géolocalisation permanente, Big Brother n’est pas
loin, et peut déclencher la réticence de certains consommateurs. Pour
le moment une partie d’entre eux accepte volontiers d’être
géolocalisée, dans le cadre de la loi “opt in” qui stipule qu’ils
doivent donner leur accord. Mais ses contours restent mal définis.
Après installation, les applications iPhone, qui comptent trois
millions d’utilisateurs en France, ne demandent que deux fois
l’autorisation pour une géolocalisation. “Il n’existe pas de standard
sur la méthode de recueil du consentement”, affirme Benoît Corbin, de
la Mobile Marketing Association. Selon lui, “il revient au secteur de
définir des règles, s’il veut éviter que le législateur s’en mêle”.
Lors de l’inscription, l’application mobile Google latitude, qui permet
d’indiquer en permanence sa position à ses amis, laisse le choix entre
trois options : “détecter ma position”, “définir manuellement ma
position”, ou “masquer ma position”. Si les usages se généralisent, la
localisation permanente pourrait devenir la norme. “Ce renversement de
tendance est possible. Il pourra sembler suspect à votre femme ou à
votre employeur que vous ne soyez plus localisable entre 17h00 et
20h00”, prévient Gwendal Le Grand, de la Commission nationale
informatique et des libertés (CNIL) suisse, dans le journal Le Temps du
26 mars 2010. “Ceux qui ne veulent pas partager leur localisation
n’utilisent pas l’application”, tranche Herbert Knibiehly, chez
Dismoioù. “L’utilisateur doit mettre en balance ce qu’il gagne à se
mettre en avant, comme recevoir des réductions, et ce qu’il risque,
conclut le conseiller Vincent Berthelot. Le site Yuback est un site de
rencontre, une sorte de meetic de la géolocalisation. Imaginez le
résultat, si la position des inscrits était visible en permanence !”

Une mine intarissable
de données consommateurs

Avec le développement des usages du GPS, les données de géolocalisation
des consommateurs fourmillent dans les disques durs des prestataires.
Mais ils assurent qu’ils ne les “utilisent pas”… “pour le moment”.
Celles-ci recèlent en effet un haut potentiel. Transférées anonymement
aux acteurs du géomarketing, qui travaillent également sur des cartes
Navteq ou Tele Atlas, elles permettraient de définir des zones de
chalandise pour implanter des points de vente. Ils disposent déjà de
données statistiques de l’Insee sur la population française et sa
répartition. Le pourcentage d’individus qui ne résident pas dans la
même ville que leur lieu de travail n’a pas de secret pour eux. “Mais
clairement, les données des GPS nous intéressent. Nous aurions des
informations plus précises sur les flux et les horaires de passage”,
affirme Olivier Auliard, directeur scientifique d’Asterop. Autre son de
cloche du côté de l’agence Territoires et marketing. Son dirigeant
Laurent Kruch “doute de leur efficacité pour le moment”. “Cela peut
intéresser un réseau de connaître le temps passé devant l’une de ses
vitrines. Mais il ne pourra pas savoir si le piéton fait son lacet ou
s’il regarde une jolie femme. Donc cet outil ne me fait pas rêver”,
indique-t-il. Les acteurs du géomarketing disposent déjà d’outils pour
étudier le terrain au plus près, notamment de petits compteurs
photo-électriques pour analyser les flux et comptabiliser les entrées
en magasin. Des sociétés spécialisées en comptage envoient des
enquêteurs professionnels sur place. “Elles comptent tout le monde par
tranche de 5 minutes ou trois heures. Mais cela peut aussi se décliner
sous forme d’enquête déclarative pour connaître la clientèle”, rapporte
Laurent Kruch. A l’inverse, Olivier Auliard estime que dans une
démarche prospective pour des réseaux, “nous ne pouvons pas lancer des
enquêtes sur toutes les rues d’une ville, d’une agglomération ou d’un
pays”. Le GPS permettrait ainsi de couvrir tout le territoire. “A cela
s’ajoutent les délais et le coût de ces études qualitatives”, enchérit
Olivier Auliard. François Montagnon chez Nomao s’est ainsi “amusé” à
réaliser une étude géomarketing. “Nous avons croisé le lieu recherché
sur notre moteur de recherche avec le type de cuisine demandé. Nous
pourrions ainsi indiquer que tel arrondissement de Paris se prête à
l’ouverture d’un restaurant japonais”, assure le dirigeant de la
start-up. Une concurrence s’annonce donc entre les professionnels du
géomarketing et ceux du GPS. L’Américain Foursquare prévoit de
distribuer un outil gratuit de géomarketing, nommé “Foursquare
Analytics”. Les établissements pourront connaître les profils clients
qui “checkent” leur établissement : homme ou femme, horaires d’arrivée,
moment de la semaine où ils sont le plus présents. Et dans le secteur
du GPS, la bataille s’annonce vive entre les différents annuaires, les
moteurs de recherche et les réseaux sociaux.

Par Alain Roux

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