
Le sociologue et sémiologue Jean-Luc Excousseau* est co-fondateur de l’Association du Marketing Générationnel, et auteur de «La Mosaïque des Générations». Spécialisé dans l’étude et le décryptage des générations, il pose un regard acéré et différent sur ce phénomène que chacun aimerait mieux comprendre.
Les générations ne suivent pas forcément les calendriers et ne s’alignent pas exactement sur les débuts ou fins de décennies. Je préfère m’appuyer sur la démographie. On constate de 1920 jusqu’à 1976 une synchronisation des démographies de l’Europe et de l’Amérique du Nord avec globalement les mêmes baby boom et baby bust. On peut ainsi noter des creux, des piques et tracer des frontières communes entre les générations. Mais une génération n’est pas qu’une question d’âge et de dates de naissances. Toute une culture s’y rattache. Appartenir à une génération révèle une sensibilité commune. Ses membres s’identifient à des valeurs, des marques, des produits, des références et se comportent grosso modo de la même manière. Le phénomène des générations n’est pas superficiel, ou aléatoire. C’est un sujet de fond et très complexe.
Pour éviter qu’on ne résume les générations à des lettres -X, Y ou Z-, il a créé une nouvelle typologie. Dans ce schéma, cinq générations cohabitent :
– les cocos (collectifs concrets). C’est la génération silencieuse, née entre 1920 et 1940, qui a vécu la seconde guerre mondiale et la reconstruction. Ils croient à l’effort, sont très attachés aux signes de reconnaissance sociale et aux produits statutaires. Ils sont propriétaires d’un tiers du patrimoine français et vont dans les valeurs sûres.
– les bobos (bourgeois bohêmes), nés entre 1941 et 1964. Ces enfants du baby boom et de la société de consommation veulent tout. C’est la génération du «moi je». Ce sont des rebelles très nature, et «peace and love», qui aiment le confort et la sécurité. Leurs valeurs sont : hédonisme, beauté naturelle, esthétisme, authenticité, confort éthique, anti conformisme et intériorité, comme dans l’ouvrage de Paulo Coelho, L'Alchimiste. C’est la génération par essence de l’hyper-segmentation et des marques mêlant nature, naturel et souci de soi: Max Mara, Comptoir des Cotonniers, Nature et Découvertes.
– les momos (mobiles moraux). C’est la génération x, née entre1965 et 1976. Avec elle, on est passé de la culture de l’abondance du «boboland» à celle de la frugalité. C’est une génération économe, pour qui la vie n’est pas toujours facile, et qui apprend à se débrouiller et capitalise sur tout. Mais c’est aussi une génération morale et solidaire. On voit le retour des grands standards de volume: H&M, Gap, Zara, Ikea, et toujours dans l’esprit low cost: démocratiser par les prix et l’accessibilité.
– les yoyos. Drogués à la culture MTV, ils copient le look «bling bling» des stars du rap, couvertes d’or, d’où leur nom, Young Yobbos (jeunes loubards) . Nés entre 1977 et 1995, ils sont l’opposé des momos. Elevée à Internet, aux signes, aux logos et à la télé-réalité, cette génération du «Moi je» aime tout ce qui est accessoires, jeux et marques. Un mot la caractérise parfaitement: celui de «fun». Ils sont dans le démonstratif et le tribal: Diesel, Dolce Gabana, Oxbow, Rip Curl, l’important est l’univers instinctif et matérialiste fondé sur des codes précis et des références partagées (streetwear, musique, télé, jeux, sports, mangas)
– les zozos (les zoom zombies): ils ont entre 9 et 15 ans… Zoom car ils sont, eux aussi, adeptes de technologies et d’écrans (DS Nintendo) sur lesquels leurs yeux se fatiguent très tôt. Et zombie, car ils sont complètement dans la reproduction des modes de consommation de leurs aînés, copiant leurs mères et leurs sœurs pour le maquillage, ou les top models du moment pour le look. Les marques inventent pour eux de nombreux concept-stores qui n’ont rien à envier à ceux réservés aux vrais adultes. On le mesure par exemple au nouveau bâtiment Barbie de Shangai.

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