“Indignez-vous !” est un petit livre qui, grâce au bouche à oreille, a déjà été vendu à plus de 100 000 exemplaires. Stéphane Hessel, 93 ans, ancien résistant, ancien déporté, y rappelle, sagement, en quelques pages, quelques principes esse

 

Matthieu Rondel/IP3 / MAXPPP
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La brochure de Stéphane Hessel « Indignez-vous ! » rencontre un succès considérable. Certains montrent leur agacement pendant que d’autres s’efforcent de le reprendre à leur compte. Rien ne justifie que les communistes adoptent l’une ou l’autre de ces réactions.

 Aussi, nous ne pouvons qu’être surpris de voir cette brochure vendue en vente militante par les diffuseurs de l’Huma, par exemple au sein de l’Assemblée des délégués des sections du PCF du 8 janvier 2011.

 Avec le grand âge, la vivacité d’esprit et l’intrépidité de Stéphane Hessel ont pris un côté jubilatoire dont il ne manque pas de jouer. Cette personnalité a sa part dans le succès du livre, de même que son contenu, en fait tellement consensuel à « gauche ».

 Hessel défend son analyse politique. Mais elle n’est pas celle des communistes, même si elle peut la rejoindre sur quelques points.

Aux dernières élections régionales, il s’est présenté sur les listes d’Europe écologie. Maintenant, il se prononce pour la candidature de Martine Aubry tout en vantant l’action de Strauss-Kahn qui « est en train de transformer le FMI assez utilement » (interview à Rue89 le 30 décembre 2010).

 

Sa brochure est en cohérence avec ces positions et sa conception de la politique. Hessel est cohérent avec lui-même et il n’y a rien à lui reprocher.

 L’ « indignation » est un sentiment, une réaction morale. Elle correspond bien aux états d’âme de la bourgeoisie libérale devant les « excès » du capitalisme. « Je vous souhaite à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir votre motif d’indignation. C’est précieux » (page 12). L’indignation, c’est une hygiène de vie que nous recommande Stéphane Hessel pour ceux qui ont en ont le loisir!

Quelle distance avec la révolte, la lutte qui répondent à une nécessité, vitale, pour les travailleurs exploités !

« Si vous rencontrez quelqu’un qui ne bénéficient pas des « Doits de l’Homme », « plaignez-le… » (page 12) ajoute Hessel : du catéchisme laïcisé !

 

La défense du Programme du CNR est devenue une banalité à « gauche » qui le vide malheureusement de son sens. Reconnaissons que Hessel est plus habilité que d’autres en la matière. Mais quelle contradiction avec des affirmations (pour le monde) comme : « la décennie précédente, celle des années 90, avait été source de grands progrès » (page 21) ! … sans revenir sur son soutien, non exprimé dans le livre à la gauche de la collaboration de classe.

 L’autre problème qui nous oppose à Stéphane Hessel, c’est son anticommunisme, pas un anticommunisme primaire mais un anticommunisme que nous réfutons avec tout le respect que nous avons pour Hessel.

Les travailleurs français doivent, pour une part prépondérante, le programme du CNR et les acquis de la Libération aux communistes. Il faut le dire et le reconnaître. L’analyse de la trahison des capitalistes français en 1940 était fondamentale dans l’appel du 10 juillet 1940 de Duclos et Thorez. Le réactionnaire de Gaulle, quel que soit son rôle dans la Résistance, n’en avait cure.

Hessel reconnaît que le fascisme a été causé par les « possédants, qui, avec leur égoïsme, ont eu terriblement peur de la Révolution bolchévique » (page 12). Mais c’est pour ensuite considérer le communisme sans distinction comme « une forme insupportable de totalitarisme », pour se réjouir unilatéralement de la « destruction de l’empire soviétique et de la chute du Mur de Berlin » (page 21). Pour nous communistes, les rapports de classe mondiaux sont autrement plus complexes et la fin du camp socialiste, du camp non capitaliste, est déterminante dans l’exacerbation de l’exploitation capitaliste en France et ailleurs.

 Stéphane Hessel ne crache jamais dans la soupe. Ancien déporté à Buchenwald, il sait qu’il doit sa survie à la résistance communiste dans le camp. Dans des conditions dramatiques, elle a pu permettre à 3 aviateurs venus de Grande-Bretagne, trois seulement, dont Stéphane Hessel, d’échapper à l’exécution programmée par les SS en prenant la place et le matricule d’un déporté déjà décédé. L’éditeur de la brochure serait mieux inspiré de reprendre ce fait dans sa postface que d’ignorer la Résistance dans le camp.

 Il est une question sur laquelle nous rejoignons pleinement Stéphane Hessel, c’est celle du combat pour les droits des Palestiniens. Nous saluons son intervention personnelle, son « indignation » active, devant les crimes de l’Etat israélien à Gaza et en Cisjordanie. 

 Elle est le signe, que, dans certains cas, à certaines époques, l’indignation de personnes comme Stéphane Hessel rejoint la lutte de classe que les communistes s’efforcent d’organiser. A ces moments de l’Histoire, notre solidarité est totale parce qu’elle part d’une conscience entière de ce qui nous sépare et de ce qui nous réunit.

 Amitié et respect à Stéphane Hessel !

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 http://jean-pierrepintier.centerblog.net/5-stephane-hessel-indignez-vous

C'est sûr que ce sont de belles idées, et que Stéphane Hessel et ses amis les ont bien mises en pratique. C'est sûr qu'en 68 ce livre aurait fasciné les jeunes… Mais les fascinera-t-il encore aujourd'hui ?

Je crois qu'il le fera, car ils ne sont ni plus bêtes ni moins sensibles aux injustices et aux inégalités criantes que génère notre société du vingt et unième siècle, ils sont certainement parfaitements conscients de ce qu'amène l'ultra capitalisme. On prenait sa retraite à 60 ans, on va la prendre à 67 pour juste survivre… Les jeunes ne peuvent pas ne pas être indignés par de simples faits d'évidence comme celui-ci…

Mais cette indignation aura-t-elle l'effet que pense Stéphane Hessel ? Je ne le crois pas. Maintenant, quand on a une vie à construire et un avenir à se créer, on ne peut plus se permettre de laisser voir son indignation.

Sinon on se retrouve très vite exclus, marginal, vagabond même, condamné à la rue pour tout horizon. D'autres se droguent pour l'oublier : ce sont les pus riches… (en argent, pas en solutions – et encore, pas toujours ! Certains en viennent à se vendre pour avoir leur dose… Alors ils ne s'indignent plus de rien : ils voguent sur les brumes de l'héroïne, si toutefois elle laisse des brumes et pas un grand trou noir).

Stéphane Hessel mène là un combat d'arrière garde. L'époque ne permet plus cela. L'indignation n'est plus créative, elle n'est plus qu'un plaisir d'esthète, qui se sent plus instruit que les autres parce qu'il comprend ce que c'est. Ou un lointain souvenir d'ex soixante-huitard, qui un jour n'a pas voulu de la société de consommation… Et qui ne voit pas où cela l'a mené : à elle, justement ! Qui voulait la liberté, et qui maintenant a le choix entre l'UMP de Nicolas Sarkozy et le Front National de Marine Le Pen… 

Quel choix, quand on y pense ! Bonnet blanc et blanc bonnet disait Jacques Duclos en son temps… Stéphane Hessel ne devrait pas nous dire de nous indigner, il est trop tard. Mais de pleurer sur nos illusions perdues…! A moins qu'enfin nous ne déclenchions le Grand Soir, celui de la fin du capitalisme… Mais pour le remplacer par quoi ? Il n'y a, nous disent les sociologues, plus de prolétariat ! Evidemment, dans les conditions dans lesquelles nous vivons, les gens ne veulent plus avoir d'enfants… C'est leur manière à eux non de s'indigner, mais de se résigner.

 

Quant à l'idée centrale de la seconde partie, que cette indignation doit se traduire par une protestation non violente qui apporterait des changements radicaux, elle me paraît un peu utopique : bien sûr, je ne nie pas que Gandhi, Martin Luther King ou Nelson Mandela aient par leur non violence révolutionné des pays entiers, radicalement, mais qu'y a-t-il de commun entre l'apartheid et l'état qui gère la Sécurité Sociale au lieu que ce soient les bénéficiaires de cet organisme, et ceux qui versent leurs cotisations ? Faut-il ne plus verser cette cotisation, ou faire la grève des soins au risque d'en mourir pour "révolutionner" la Sécu ? Cela me paraît bien hasardux, bien que Stéphane Hesser n'emploie pas ces mots là. Mais comme il insiste sur la Sécu, appliquons ses principes à cet organisme. Qu'est-ce qu'on y changera ? Rien. 

Et puis je crois quand même qu'un certain "terrorisme" et pas non violent comme le disent les Israéliens, est nécessaire pour que les choses bougent.

La décentralisation s'est faite bien sûr à la suite des idées du Général de Gaulle, mais elle ne s'est faite qu'après les "évènements" de 1968. Sans eux, il ne l'aurait pas proposée dans un projet de constitution  qui aurait été voté massivement s'il n'avait pas mis en jeu la continuation de son mandat présidentiel. On n'a pas voté contre la décentralisation, mais contre De Gaulle. "dix ans, ça suffit" lisait-on et scandait-on partout. Ce n'est pas la non violence qui a apporté la libération des la femme, non plus.

Les idéaux de Stéphane Hesser eux-mêmes n'ont dû leur réussite qu'à la volonté de sortir de l'horreur nazie qu'on venait de vivre, ils sont nés de la querre la plus sanglante de l'histoire. Bien sûr, Hesser et ses amis n'ont pas employé la violence pour faire aboutir leurs réformes, mais elles avaient été rendues indispensables par la violence qui les avait précédées. La Shoah n'est tout de même pas un roman de la série Harlequin, et Stéphane Hesser, d'origine juive, le sait parfaitement.

Je trouve donc d'une certaine mauvaise foi de dire que c'est par la non violence que les droits de l'homme, les progrès sociaux, la démocratie, le vote des femmes, bref tous les acquis de la réflexion qu'avait engendrée la Résistance (qui ne s'est pas faite de façon non violente, que je sache) sont survenus. Bien au contraire : C'est parce qu'il avait fallu se battre contre le totalitarisme fasciste, et au sens propre du terme "se battre", je veux dire en se tirant dessus avec les allemands nazis, que cette réflexion, déjà amorcée par Zola, à qui elle a coûté cher (jusqu'à sa vie, puisqu'il est plus que probable que son asphyxie a été volontairement provoquée par une pierre posée sur sa cheminée), a pu trouver son aboutissement.

Donc soit Stéphane Hesser se voile pudiquement la face (depuis Londres, on ne se collette pas journellement contre la milice, la Gestapo et l'occupant) soit il veut oublier les nombreuses occasion où la résistance à été violente. Et puisqu'il parle des communistes français dans la résistance, auxquels De gaulle ne faisait pas une entière confiance (ne dit-il pas vers la fin de ses "mémoires de guerre" qu'il a voulu vite désarmer la population civile pour éviter une révolution bolchevique, après la fin de la guerre), est ce que ceux-ci, parmi les combaattants de la France Libre, n'ont pas, tout comme d'ailleurs les gaullistes, fait le coup de feu contre les allemands ?

C'est donc un jeu de l'esprit que de dire "la non violence peut tout". Elle peut de grandes choses, mais devant le nazisme être non violent, c'était bel et bien être mené au STO, aux camps d'internement et d'extermiation (pour les communistes par exemple). Il fallait donc bien se défendre les armes à la main. Ceux qui ne l'ont pas fait, ou qui n'ont pas aidé les résistants, ont été, peu ou prou, considérés comme des "collabos" en puissance.

Alors, le raisonnement de Stéphane Hesser ne tient pas. Pour résister à la violence, tout le monde n'étant pas Gandhi ou Mandela, il faut recourir soi aussi à une forme de violence : c'est de la légitime défense. Et même si cela n'aide pas les Gazaouis de lancer des rokettes sur les Israeliens, c'est au moins une façon d'attirer l'attention du monde entier sur leur situation peu enviable, les juifs se comportant en l'occurrence comme  les nazis se sont comportés envers eux. (sans toutefois les chambres à gaz et les crématoires, ce qui ferait malpropre, mais en employant contre des civils des bombes au phosphore et du napalm. Ce qui ne vaut guère mieux). Il n'y a pas crime à tuer un ennemi impitoyable.

Donc, non, M. Hesser, vous n'avez pas raison. Vos résistants ont fait la même chose en posant des bombes, en faisant dérailler des trains, etc. Il ne faut pas l'oublier. Et c'est devant l'horreur d'avoir vu se faire cela que vous, de loin, vous avez pu réfléchir à vos grands principes humanitaires. Un résistant à Londres n'est pas un résistant. Quand vous êtes venu en France, puis avez été déporté et vous êtes évadé, là, vous l'êtes devenu. Mais vous êtes-vous seulement vraiment battu, sauf pour survivre dans les camps, ce qui est déjà très honorable ? Vous êtes vous servi d'une arme contre un ennemi, oui ou non ? Si oui, vous êtes en contradiction avec vous-même, si non vous n'avez pas vraiment "fait de la résistance"  sauf passive, et vous ne savez pas vraiment de quoi vous parlez. Or je vous crois résistant. Donc vous êtes bien en contradiction avec vous même. CQFD.

Et puisque vous aimez bien vous référer à Sartre, on ne peut être résistant et ne pas avoir, au moins un peu, "les mains sales"…

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