Airbnb : petite start-up deviendra grande

http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/08/19/airbnb-petite-start-up-deviendra-grande_1742148_3234.html

 

Brian Chesky intervient lors du Fortune Brainstorm TECH 2012.

Au commencement étaient la nécessité et le désir. La nécessité de gagner un peu d'argent pour payer un loyer brutalement augmenté par un propriétaire peu philanthrope. Le désir d'être son propre patron et de monter
son entreprise. Plus de dix ans après le premier éclatement de la bulle
Internet, les fondateurs d'Airbnb, nouveau leader de la location
saisonnière sur Internet, montrent que les start-ups ont encore de
belles pages à écrire.

Formés à l'école de design de Providence et colocataires à San Francisco, les jeunes Joe Gebbia et Brian Chesky ont eu l'idée, pas forcément originale, mais en tout cas efficace, de transformer une chambre inutilisée en "bed and breakfast" pour arrondir
leurs fins de mois. Le moment est bien choisi : une énorme conférence
sur le design se déroule à proximité et ils savent que beaucoup de
participants sont à la recherche de solutions d'hébergement peu chères.

On est en 2007. La convention démocrate de Denver approche et là encore, Gebbia et Chesky pensent que le besoin de logement se fera sentir. Peu à peu, l'idée de transformer une simple activité d'appoint en véritable entreprise murit dans la tête des deux compères, biberonnés à l'entrepreunariat made in Silicon Valley.

Lire l'article : Rencontre avec Brian Chesky, cofondateur d'Airbnb

  A leurs débuts, Gebbia et Chesky n'ont pas grand
chose en poche. Mettant à profit la campagne électorale de 2007, ils
créent des céréales à l'effigie des candidats (les désormais célèbres
Obama O's et Cap'n McCain's), ce qui leur permet de récolter 40 000
dollars pour mettre en ligne un petit site Internet professionnel.

Capture d'écran du site américain d'Airbnb.

La société Airbnb est créée l'année suivante, en 2008, et connaît un
formidable coup d'accélérateur lorsqu'elle est sélectionnée au printemps
2009 par le prestigieux incubateur d'entreprises californien Y Combinator, qui lui permet de lever 8 millions de dollars assez rapidement.

"Les conventions, les conférences, c'est bien, mais Brian et Joe
ont vite vu qu'il y avait un marché potentiel beaucoup plus important :
celui des gens qui ont envie de voyager autrement"
, raconte Olivier Grémillon, directeur du bureau de Paris, qui a ouvert au début de l'année. "Les voyageurs veulent aller au-delà du touristique : vivre comme un Parisien à Paris, comme un New-Yorkais à New York, pourquoi ne pas alors proposer aux particuliers d'ouvrir leur maison ?"

Vivre à Paris comme un Parisien, c'est exactement ce que
propose Bertrand Z., trentenaire urbain qui complète ses revenus depuis
deux ans en ouvrant à la location son coquet deux-pièces du Marais. "J'habite un 40 m² qui offre une très jolie vue sur les toits de Paris, explique-t-il. Au loin on aperçoit le Sacré-Cœur illuminé la nuit." Des atouts qui font de son logement une cible très prisée des touristes : "J'ai
des réservations jusqu'à Noël, principalement des Américains et des
Australiens, et surtout des couples à la recherche d'un séjour
romantique."

"Le concept de location de courte durée n'est pas nouveau, reconnaît Olivier Grémillon, mais lorsqu'on écoute les voyageurs raconter leur expérience, ils ne nous parlent pas tant du logement que du quartier, de l'hôte, des liens qui se tissent."

La convivialité aide en effet à créer la rencontre : "Je laisse systématiquement une bouteille de vin et deux verres sur la table du balcon à mes hôtes, ajoute Bertrand, j'ai
compilé une dizaine d'adresses de restaurants sympathiques dans le
quartier et je m'occupe même des réservations quand ils ne parlent pas
français."

Se sentir un peu chez soi grâce à un accueil, une décoration ou un quartier original, voilà de quoi convaincre
les plus blasés. La formule séduit même les voyageurs en déplacement
pour affaires. Jean-François Rhéault, consultant basé à Montréal, opte
de plus en plus souvent pour cette solution. "Je passe beaucoup de temps en voyage d'affaires, alors Airbnb me donne presque l'impression d'être en vacances, raconte-t-il avec enthousiasme. Cela permet de sortir des zones touristiques, et certains appartements sont vraiment très stylés."

Capture d'écran du site Airbnb.

Au point d'en faire une formule pour voyage d'affaires en groupe : "lors d'une conférence en juin à Vancouver, mes collègues avec lesquels je m'entends très bien et moi avons décidé de prendre un appartement tous ensemble plutôt que des chambres d'hôtel séparées".
L'histoire ne dit pas si la productivité du groupe fut à l'avenant,
mais en tout cas, la possibilité d'une alternative à l'hôtel classique
s'est durablement installée dans les esprits.  

MOITIÉ MOINS CHER QUE L'HÔTEL

Autre avantage, et pas des moindres : le prix. Selon les calculs de Bertrand, "un
hôtel offrant le même niveau de prestation (balcon, vue, quartier)
facturerait une chambre (et pas une suite !) au prix minimum de 280
euros par nuit, alors que mon tarif est d'environ la moitié, pour un
deux-pièces avec cuisine"
. Heidi Bailey, qui vit aux Etats-Unis
dans le Connecticut, a quant à elle fourni aux invités de son mariage
une liste d'habitats sélectionnés par ses soins, afin que chacun puisse trouver le logement qui lui convenait, au prix le plus ajusté à son budget. "Toute ma famille était logée dans des maisons qui étaient parfois voisines les unes des autres, c'était assez surréaliste !"

Si les hôtes enregistrés sur Airbnb sont libres de fixer leurs tarifs comme ils l'entendent, ils bénéficient toutefois d'outils de comparaison consultables sur la plateforme afin d'avoir un "pricing" compétitif. Airbnb leur conseille de commencer pas trop haut et d'augmenter le tarif jusqu'à ce que les réservations se tarissent, quitte à baisser ensuite pour d'arriver
doucement au point d'équilibre offre/demande. Du côté de la plateforme,
le modèle économique se base sur un système de commission prélevée à la
fois du côté de l'hébergeur (3 % de frais de transaction prélevés sur
le prix de la nuitée) et du locataire (6 à 12 % sur le prix de la
nuitée).

Mais l'argent n'est pas toujours la motivation première des hébergeurs : "L'un
de nos hôtes, basé à Clamart, loue ses chambres à 20 euros la nuit,
mais il n'accueille que des gens venus d'Asie du Sud-Est,
raconte Olivier Grémillon. Il a vécu plusieurs années là-bas et a surtout envie de parler la langue, d'évoquer ses souvenirs plutôt que de gagner de l'argent."  

Côté sécurité, la plateforme s'efforce d'offrir un maximum de garanties. Tous les utilisateurs doivent créer un profil, donner une adresse électronique et un numéro de téléphone qui seront vérifiés. Par ailleurs, comme sur eBay, les membres sont "notés" à l'aide de commentaires laissés par leurs pairs. Les photos des lieux à louer peuvent également être prises par un photographe professionnel engagé par Airbnb, afin d'obtenir le statut de "vérifiées". Intrusif ? "C'est un parti pris, explique Oliver Grémillon, nous voulons garantir aux voyageurs et aux hébergeurs l'accès à un maximum d'informations avant qu'ils ne confirment la réservation."

Cette organisation, en forme de réseau social,
implique une grande part de développement informatique afin d'améliorer
les fonctionnalités du site et d'en créer de nouvelles, ainsi qu'une
forte présence des "community managers". Ils sont trois à Paris : deux
d'entre eux travaillent "hors ligne" et s'occupent d'organiser des événements, des ateliers, des soirées pour que les membres se rencontrent et rencontrent l'équipe d'Airbnb.

INGÉNIERIE ET DÉVELOPPEMENT INFORMATIQUE DE POINTE

Les ingénieurs sont la clé de voûte du site, qui a pour objectif d'offrir une expérience entièrement intégrée : "Tout se fait sur un même site, insiste Olivier Grémillon, du moment où vous fouillez pour trouver un endroit où aller, jusqu'au paiement, qui se fait en ligne. Que vous veniez de Montpellier ou de Sao Paulo, la transaction est aussi facile."
Le paiement en ligne est un casse-tête, du fait des taux de change et
du traitement des transactions, mais il représente un vrai plus pour les
voyageurs.

La déclinaison du site sur smartphones est également plébiscitée des utilisateurs. "Je trouve l'application presque plus facile à utiliser que le site",
pointe Julie F., une utilisatrice du Sud-Ouest, qui a parcouru l'Asie
en réservant au fur et à mesure des chambres dans les grandes villes,
directement sur son téléphone. Plus d'une réservation sur dix se fait
directement sur l'application.

Airbnb n'est pas un bébé de la Silicon Valley pour rien : innovation,
développement informatique et design inventif sont à la source du
succès de la start-up, qui a ouvert au début de l'année une dizaine de
bureaux à l'étranger. Leader sur son segment, la jeune pousse compte sur
ses ingénieurs et designers à San Francisco pour garder
son avance. Et cela paie : en juillet 2011, Airbnb a opéré une levée de
fonds de près de 112 millions de dollars (91 millions d'euros) avec de
grands noms du capital investissement (Sequoia Capital, Greylock
partners…).

Pas encore bénéficiaire, Airbnb peut néanmoins compter sur un soutien sans faille de ses actionnaires. "Nous
sommes assez proches du seuil de rentabilité, mais nos actionnaires ne
nous mettent aucune pression, ils nous poussent à nous développer."
Le
pari semble en effet peu risqué : avec un nombre de nuitées passées de 1
million en février 2011 à 5 millions en janvier 2012, puis 10 millions
en juin 2012, la croissance de la plateforme est exponentielle.

Audrey Fournier

La machine à succès Y Combinator

 

Fondé par Paul Graham et trois associés en 2005, Y Combinator est une
des pépinières d'entreprises les plus cotées et sélectives de la
Silicon Valley.

 

Les heureux élus passent trois mois dans les locaux de Mountain View
(fief de Google) et bénéficient, d'une part, du solide réseau de Graham
et de ses précieux conseils, d'autre part, de toute l'assistance
juridique, marketing ou comptable dont ils ont besoin pour mettre leur
entreprise sur les rails.   

 

Chaque semaine, des dîners informels réunissent les "stagiaires" et
des entrepreneurs expérimentés pour des échanges en tête-à-tête et des
séances de questions-réponses en groupe plus large.

 

Le programme se clôture par les "Demo days", trois jours pendant
lesquels les incubés vont présenter leurs travaux aux financiers et
investisseurs.

 

Dropbox, Futureadvisor ou encore Tweetflow font partie des start-ups qui ont bénéficié du programme.

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