Au digital pléthorique, préférons le digital iconique. La digitalisation galopante des services, de la distribution et de la communication confère aux marques un don d’ubiquité qui va en s’amplifiant.

LE CERCLE. C’est un vieux fantasme de marketeur
qui se réalise. Que restera-t-il de cette omniprésence quand la part
d’attention du consommateur, elle, ne varie pas ?

Depuis plusieurs années, il circule que les consommateurs sont exposés à
2 000 messages publicitaires par jour. Cet indicateur est caduc et
mériterait d’être revu très significativement à la hausse au vu du
nombre d’avis, de tweets, de ranking et de post en tous genres auxquels
nous sommes exposés quotidiennement dans nos cheminements sur le net.

Ce flux vertigineux d’informations et de sollicitations ne va guère
décroître : le SoLoMo, le Big Data et l’AdExchange sont en embuscade
pour venir nous cueillir jusque dans les derniers retranchements de nos
espaces personnels. Une consolation, bien maigre toutefois : grâce au
progrès du marketing comportemental et de l’intelligence consommateur,
les individus seront harcelés par des choses qui les intéressent plutôt
que par du tout-venant indifférencié. Une bonne nouvelle, en demi teinte
: les investissements des marques sont écartelés entre les médias
traditionnels et les nouvelles fenêtres nées de la dématérialisation.
Mais cela ne durera pas.

L’ubiquité des marques est le fruit d’un fantasme marketing enfin rendu
possible par la révolution digitale : faire qu’une offre soit présente
là où il faut, au moment où il faut et auprès de qui il faut. La
massification de la pertinence, le "pull" ultime. Un vrai "trip" pour le
marketeur, qui serait néanmoins bien avisé de se rappeler que les mêmes
causes produisent les mêmes effets. Le matraquage publicitaire par les
médias traditionnels a rendu les marques sujettes à caution. Il en sera
de même avec les nouveaux tremplins de l’ère numérique. La nature a
horreur du vide. Le consommateur, lui, c’est du trop-plein.

Et pourtant, le digital peut être un formidable outil pour densifier le
positionnement des marques, si tant est qu’il y ait une idée à défendre
à la source. Par exemple, la chaîne d'hôtellerie internationale W. Son
positionnement mondial se résume en un mot : "Pulse". Ces hôtels au cœur
des métropoles ne se contentent pas de proposer un cadre design sur
fond d’ambiance clubbing. Très régulièrement, depuis plusieurs années,
chaque hôtel est le siège d’happenings hype sur le design, la mode et la
musique pour justifier la "big idea" que l’époque vibre chez W.

S’adressant à une clientèle jeune et haut de gamme, nomade et sur
digitalisée, tout un éco système s’est organisé autour des W Hotels :
application smartphone donnant accès aux playlists des DJ en résidence,
page Facebook chroniquant les happenings à la manière d’un magazine
people, compte twitter relayant les nouveautés et expériences en
instantané. Chez W Hotels, le digital n’est pas une ramification média
comme une autre : il est identitaire.

Le problème avec cet exemple, c’est qu’il est presque trop facile, trop
évident parce que W est une marque haut de gamme. Le vrai enjeu, c’est
la mise en œuvre d’une solution digitale positionnante pour une marque
populaire. Dans ce registre, un exemple emblématique de réussite nous
est donné par BestBuy, distributeur nord-américain de matériel
électronique. Un groupe de vendeurs experts a été identifié dans les
magasins de la chaîne (The Twelpforce) et équipé de smartphones pour
animer, via un compte twitter, l’avant-vente et l’après-vente de
l’enseigne.

Un problème de montage avec votre home-cinéma, de compatibilité de
câbles, d’orientation dans la jungle des tablettes tactiles ? Un vendeur
vous aiguillera immédiatement sur la solution. Vous n’avez même pas
besoin d’être client pour profiter d’un renseignement. Les tweets sont
par nature limités, mais le distributeur manifeste une volonté de
conseil et d’accompagnement qui magnifie l’idée d’un "BestBuy" : le
meilleur achat, c’est le meilleur prix, le meilleur conseil, le meilleur
suivi. Sinon, vous achetez chez un e-broker.

Passons maintenant à une idée inspirée par la boulangerie Albion, à
Londres. Grâce à un compte tweeter (AlbionsOven) on est informé de ce
qui sort du four heure par heure : pains, cakes, cookies etc. Près de 3
200 personnes sont abonnées à ce compte twitter. Pas mal pour une
boulangerie de quartier. Albion réussit à élargir et fidéliser sa
clientèle, car elle rend tangible comme personne l’imaginaire d’une
boulangerie authentique : le fait-maison qu’on peut savourer à la sortie
du four.

Et si la Brioche Dorée faisait de même au niveau national ? L’enseigne
réussirait à exalter tout le sens positif évoqué par son nom. Avec une
telle idée, ses fournées permanentes ne seraient plus tant un mode de
fonctionnement archétypal des centres de cuisson qu’une véritable
profession de foi autrement plus valorisante.

Dans ces quelques exemples, le digital débanalise, densifie un
positionnement de marque. Il contribue à déployer l’ampleur d’une idée
de marque iconique, mais peut tout aussi bien rendre charismatique une
idée simple. Perspective fascinante que cette capacité du digital à
massifier le désir des marques plutôt qu’à l’éteindre par
l’omniprésence.

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