Pour nous parler de SocialTV, de ses publics, de ses
audiences, nous avons interrogé Wale Gbadamosi Oyekanmi, président de la
jeune et très réactive agence Darewin qui dédie ses activités au Social Entertainment.
- J’ai l’impression que cela fait déjà plusieurs
années que les gens commentent spontanément sur les réseaux sociaux ce
qu’ils regardent à la TV. Comment et quand s’est fait le basculement
entre tendance naturelle et phénomène SocialTV pris en compte par les
chaînes?
Le commentaire d’émission de TV est très lié à la nature même de la
télévision comme média de masse qui fait réagir, déjà dans le salon au
sein d’une famille.
Cette discussion s’est déclinée à une échelle plus grande sur les
réseaux sociaux mais avant c’était par SMS ou par téléphone! Les
avancées technologiques ont mis entre les mains des téléspectateurs de
nouveaux outils, leur comportement de base s’est développé sur de
nouveaux supports.
Avant on ne pouvait pas mesurer le nombre de gens qui étaient au
téléphone ou qui échangeaient des SMS en regardant la télévision. La
nouveauté avec les réseaux sociaux et avec la notion de temps réel,
c’est qu’il a une vraie mesure, un vrai indicateur sur le volume de
cette activité là. Dès lors il est possible de mettre en place des
stratégies d’optimisation, des stratégies pour engager, monétiser, etc…
C’est le volume des usages qui a fait que les chaînes se sont
engouffrées dans la social TV, voyant qu’une bonne partie de la
population produit des centaines de milliers de tweets à propos de TV
tous les soirs. C’est une prise de conscience collective liée aux usages
spontanés des téléspectateurs par les détenteurs de droits TV, chaînes
ou producteurs qui se sont dit que s’ils ne rentraient pas sur ce
terrain de jeu, la partie se ferait sans eux!
- Récemment, Iligo a sorti une étude sur ce qu’elle appelle les socializers pour les classer en quatre types. Funny, Emotionnal, Brainy et Factual… Qu’en penses tu?
Comme toute répartition, c’est quelque chose d’assez brut, ce
n’est pas inintéressant, mais je pense qu’en 120 minutes d’émission, tu
passes dans les quatre pôles, en fait.
Tout dépend du programme regardé! Je ne pense pas qu’il y a
beaucoup de “funny socializers” devant une émission tragique ou
d’informations. On appartient plus ou moins à une catégorie selon le
contenu regardé. Bref, je ne pense pas que l’on puisse cloisonner les
gens aussi fermement.
C’est intéressant d’ailleurs, parce que les animations social média
doivent alterner ces différentes catégories tout au long de la soirée,
être parfois plus fun ou plus sérieuses.
Après on sait que les réseaux sociaux sont le lieu du trait
d’esprit, de l’humour ou de la critique… Ce sont pour moi des catégories
qui y sont surreprésentées.
- On peut avoir l’intuition que les plus engagés dans la social TV sont les 15-25 ans… est ce vrai?
C’est dur à vérifier sur Twitter parce qu’il y a peu d’éléments
qui permettent de voir l’âge. Mais, on sait que la catégorie la présente
sur Twitter c’est les 50-55 ans. Twitter, c’est à la fois un lieu
d’expression et un lieu de présence. Il y a une forte présence des plus
de 30 ans mais qui ne sont pas actifs! Ils regardent et consomment
l’information. Par rapport à ça, il y a une suractivité des 15-25 ans
dans leur consommation de messages. Ce n’est pas nécessairement qu’ils
sont plus présents, ils ont surtout plus actifs, plus dans le partage,
ont plus l’habitude de communiquer. Du coup, ce sont eux qui s’expriment
massivement sur Twitter. Alors forcément, ce sont le plus souvent eux
qui font les trending topics. Mais les trending topics sont aussi
beaucoup liés à l’actualité et pas toujours celle qui va intéresser
cette tranche d’âge.
Et puis, ça va vraiment dépendre des instants de la journée, la TV a
un impact fort sur Twitter de 17h à minuit, à ce moment là, ce sont les
plus souvent des émissions de TV qui vont être en trending topics.
En outre, si les 15-25 ans sont très actifs sur Twitter, c’est aussi
parce qu’il y a un vrai désamour avec Facebook, parce qu’il n’est pas
anonyme et est devenu tellement intergénérationnel que les jeunes n’ont
pas envie d’y croiser leur mère par exemple!
- D’ailleurs comment toucher cette cible 15-25 ans déjà très sollicitée? Des exemples de ce qui fonctionne?
Naturellement, ce qui fonctionne, c’est l’interaction. Il faut
aller chercher des leaders d’opinion, quitte à aller chercher un par un
les twittos, les solliciter pour engager un lien. Quand tu n’as pas la
puissance de la TV, de la presse, de la radio, il faut construire et
entretenir les relations une à une. Ça ne se fait pas en un instant, ce
n’est pas un spot publicitaire de 30 secondes! Il faut nouer une
relation dans le temps. Les 15-25 – comme toute cible d’ailleurs, sont
sensibles à l’intérêt que tu leur montres. Ce qu’ont fait, par exemple,
les émissions de divertissement en affichant les tweets des
téléspectateurs, c’est une manière de flatter l’ego. Les ados sont très
dans la représentation d’eux-mêmes, ils ont leurs 140 caractères de
gloire qui passent à l’écran. Cela va leur donner envie de revenir et
d’en parler! D’où fidélisation et engagement!
Autre fait important, c’est que les célébrités aimées des 15-25 ans
sont sur Twitter, chacun peut interagir avec elles, de manière directe,
sans filtre, alors qu’à la TV ou à la radio, on doit passer par un
standard. Les personnalités de la TV mais aussi de la musique, de la
mode, etc., ont compris qu’aller sur les réseaux sociaux est une manière
parfaite pour toucher et fidéliser un nouveau public et pour entretenir
sa fanbase.
- On a parfois dit que la SocialTV était bénéfique pour les audiences… Est-ce vrai?
Il n’y a pas aujourd’hui d’étude qui affirme à 100% que la
SocialTV est bénéfique. Ce qu’on sait, c’est qu’elle permet de donner
une nouvelle visibilité, de rajeunir aussi l’audience – il ne faut pas
oublier que la TV est un média “vieux”, notamment sur le service public
qui a une moyenne d’âge entre 40 et 60 ans en gros.
L’intégration du digital permet de recruter de nouveaux
téléspectateurs, différents, plus jeunes, qui ont des usages un peu
autres que leurs ainés.
Aujourd’hui, instinctivement, on se dit que si on veut faire
émerger une nouvelle marque, il faut communiquer dessus, pour que les
gens sachent qu’il y a un nouveau programme qui va arriver à l’antenne,
il faut communiquer dessus, et ce partout et tout le temps. Les réseaux
sociaux sont simplement un nouveau canal. L’idée est de pouvoir toucher
les téléspectateurs à tous les endroits, de multiplier les points de
contact. Pour driver tant vers le moment TV que vers le replay, cela est
devenu indispensable dans les stratégies de communication de toutes
les chaînes.
Aujourd’hui, toutes les chaînes ont une communication sur les réseaux sociaux et une stratégie sociale
- À ton avis, quel est l’avenir de la socialTV?
Il y a beaucoup de pistes. On a assisté ces deux dernières années
à des évolutions très rapides de la part des chaînes qui ont réagi de
manière assez spectaculaire.
Les chaînes cherchent à développer un territoire propriétaire, à
faire en sorte que l’expérience TV reste chez elles, que les gens
viennent sur leur site, dans leurs applications parce que ce sont des
lieux qu’elles contrôlent et qu’elles peuvent donc monétiser.
C’est cette problématique qu’ont aujourd’hui les chaînes TV : la
conquête et l’installation d’un nouveau territoire, ce qui est très dur
parce que cela va à l’encontre de l’instinct naturel d’aller sur
Facebook ou sur Twitter.
Il s’agit bien sûr de créer, outre des expériences enrichies, des passerelles publicitaires pour démultiplier l’impact.
Il y a aussi des producteurs qui ont la volonté de faire rayonner
leur marque dans un maximum d’endroits. Ils sont donc moins dans une
démarche propriétaire mais essaient de construire des communautés autour
de leur marque. Cela repose sur le fait de produire des contenus TV,
flux, sport ou fiction, en y intégrant du digital. On est dans quelque
chose de plus communautaire, dans la mesure où, comme la communauté est
liée à la marque, ils peuvent la driver vers l’antenne, vers des
produits dérivés ou d’autres types de monétisation et de déclinaison.
- Enfin, parlons un peu de Darewin. Quels sont vos projets pour 2013?
On grandit! On est actuellement 8, on va bientôt être 10.
Là, on part à South by Southwest (SXSW) parce que l’on rencontre de
plus en plus d’acteurs internationaux pour montrer ce qui est fait en
France et pour voir les possibilités de collaborations à l’étranger
comme on bosse sur des marques internationales comme The Bachelor ou The
Walking Dead ou Youtube. On a envie d’exporter notre savoir-faire.
On garde la marche de travailler sur le divertissement
exclusivement, donc télévision mais pas seulement. On a envie d’aller
vers le cinéma, vers le jeu vidéo et vers les autres industries
créatives. On veut faire de la social TV et en tout cas, du Social Entertainment, voir comment on peut donner un contenu digital fort aux oeuvres de contenu divertissement.

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