La transition. Analyse d’un concept. Laurence Monnoyer-Smith, Commissaire général au développement durable Auteur : Léa Boissonade

 

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La transition

La transition désigne « un processus de transformation au cours duquel un système passe d’un régime d’équilibre à un autre»1. La transition n’est donc pas un simple ajustement mais une reconfiguration fondamentale du fonctionnement et de l’organisation du système, à l’image de la transition démographique par exemple. Cette transformation structurelle touche simultanément les secteurs technologique, économique, écologique, socioculturel et institutionnel et les évolutions de ces secteurs se renforcent mutuellement2.

La transition se caractérise ainsi par une mutation à la fois progressive et profonde des modèles de société sur le long terme. C’est un processus qu’il est impossible de maîtriser totalement3 puisqu’il s’inscrit dans un système complexe qui échappe à une planification rigide.

Les dynamiques de la transition

Geels et Loorbach4 ont théorisé les interactions qui orientent les transitions en fonction de trois niveaux exerçant des pressions les uns sur les autres (cf. schéma).

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Au premier niveau, les niches sont le lieu d’initiatives radicales et d’expérimentations en marge du système établi. Pour se généraliser, ces innovations doivent être intégrées dans le deuxième niveau, les régimes, c’est-à- dire les règles et normes qui guident les comportements, assurent la stabilité du système mais également son inertie. Enfin, l’évolution de ces deux niveaux est soumise à un troisième niveau, le paysage, c’est-à-dire l’environnement externe et les tendances de fond, par exemple les situations de crise. Ce sont les pressions exercées simultanément par ces trois niveaux qui peuvent entraîner des transitions.

L’institutionnalisation contrastée du concept de transition écologique


Historiquement, la notion de transition est étroitement liée à celle de développement durable. Le rapport Meadows de 1972 insiste notamment sur la nécessité de la « transition d’un modèle de croissance à un équilibre global » en mettant en avant les risques écologiques induits par la croissance économique et démographique. En 1987, le rapport Brundtland appelle également de ses vœux « la transition vers un développement durable ». Pour autant, si la notion de transition est à chaque fois présente en filigrane, c’est le terme de développement durable qui est sur le devant de la scène internationale lors du Sommet de Rio en 1992, suivi par le terme d’économie verte (et équitable) lors du Sommet de Rio+20 en 2012, et qui revient avec les Objectifs de développement durable adoptés en 2015.

En France, la notion de transition écologique et son volet énergétique ont récemment pris de l’ampleur au sein du ministère en charge de l’environnement comme l’illustrent le Conseil national de la transition écologique créé en 2012, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte promulguée en 2015 ou encore la Stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable (2015-2020). Cette approche a favorisé un recentrage de l’action publique sur des enjeux environnementaux (climat, biodiversité, etc.), tout en réaffirmant la nécessité d’une mise en mouvement coordonnée de l’ensemble des acteurs de la société. C’est ainsi que la loi de transition énergétique met notamment l’accent sur le rôle des citoyens et des collectivités territoriales dans la mutation du modèle énergétique (facilitation de l’investissement participatif dans les projets d’énergies renouvelables locales, soutien financier à la rénovation individuelle des logements, dispositif des Territoires à énergie positive pour la croissance verte, etc.).

Opportunités et défis de la transition

Dans ce contexte de remise en question du concept de développement durable, la notion de transition met l’accent sur un passage à l’acte rapide à travers des initiatives concrètes et des démarches citoyennes locales. La diversité des expérimentations est conçue comme un gage de résilience et d’adaptation aux contextes locaux. La transition écologique et solidaire permettrait ainsi d’accélérer le changement de système en osant de nouvelles voies et en engageant directement les citoyens7. Les promoteurs du terme de transition le revendiquent comme étant plus opérationnel, plus concret et finalement plus efficace que le « concept mou » du développement durable.

Pour autant, l’engouement pour le terme de transition ne doit pas occulter les enjeux et défis que soulève cette notion. Certains sont similaires à ceux déjà rencontrés par le développement durable, notamment la question de l’effectivité de la transformation du modèle économique et sociétal ainsi que le risque de flou conceptuel et de récupération abusive. La mise en œuvre de la transition doit encore faire la preuve de son opérationnalité et de la capacité des innovations sectorielles à changer d’échelle et à « faire système ». Enfin, se pose la question de l’intégration de cette approche dans un cadre international toujours très axé sur le développement durable.

Si la transition écologique et solidaire parvient à éviter ces écueils et à résoudre les questions en suspens du développement durable, elle pourrait alors être l’occasion de bâtir collectivement un nouveau contrat de société, véritablement équitable et respectueux de l’environnement.

source : https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-transition-ecologique-vers-developpement-durable-2015-2020

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