Critique des exces de la société de consommation

Dans l’article, joint en commentaire, on comprend qu’aujourd’hui on ne consomme plus pour satisfaire un besoin, satisfaire ses désirs, signifier son appartenant à un groupe, mais pour  profiter au maximum. et surtout, ne jamais, au grand jamais, se poser de questions.

"L’homme-consommateur se considère comme devant-jouir, comme une entreprise de jouissance et de satisfaction. Comme devant-être heureux, amoureux, adulant/adulé, séduisant/séduit, participant, euphorique et dynamique. C’est le principe de maximisation de l’existence par multiplication des contacts, des relations, par usage intensif de signes, d’objets, par l’exploitation systématique de toutes les virtualités de jouissance".

2 réponses à « Critique des exces de la société de consommation »

  1. Le terme consommer est couramment associé avec des images : celle d’une société d’abondance, avec sa profusion de nourriture sur les présentoirs, son accumulation ludique de toutes sortes d’objets, de la machine à laver, à la voiture de la dernière série d’un constructeur, celle du caddie du supermarché plein à déborder, de l’étalage du luxe éblouissant, celle de la facilité d’acheter tout de suite tout ce que l’on veut, sans limite, pour payer plus tard.
    On lui a dit et répété qu’il s’agissait pour lui, en toutes choses, de profiter au maximum. Le consommateur profite des soldes, profite des remises autorisées par ses cartes de crédit, il profite des prix en baisse, il profite des loisirs, il profite des vacances. Il profite des cours de la bourse. La consommation est pour lui le modèle du plaisir, une euphorie même, le plaisir d’acheter pour se faire plaisir, une auto-gratification perpétuelle.
    Plaisir aussi de se montrer avec l’attrait captivant de la nouveauté : le nouveau jean, le dernier cri en matière de téléphone portable, de vêtement coupé selon la dernière mode. Plaisir de se faire voir, d’être regardé, d’être envié, plaisir de consommer surtout pour épater. Plaisir de jouer avec les images de la publicité et de ressembler à cette jeunesse insolente, qui se déhanche, fait des clins d’œil, rie aux éclats, se pavane avec un look d’enfer et se contrefiche éperdument de toutes les questions sérieuses. Fun morality.
    Plaisir d’être léger, frivole, de se sentir porté par les sollicitations des slogans, et de paillonner de boutique en boutique, de dépenser sans contrainte, de faire comme si on avait de l’argent plein les poches. Bref, consommer sans retenue et vivre perpétuellement la tête dans les nuages, le sourire béat de la publicité sur les lèvres. Et surtout, ne jamais, au grand jamais, se poser de questions.
    Dans l’économie classique on raisonnait autrefois en partant de la notion de besoin. Au besoin correspond une satisfaction. Donc, si j’achète cet objet, c’est parce que j’en ai besoin. A ses tout débuts effectivement, la publicité n’était encore qu’une réclame, elle vantait la satisfaction des besoins. Elle partait des besoins existants et montait un argumentaire de persuasion en faisant valoir une offre pour une demande :
    – Vous avez besoin d’un produit pour récurer les sols,
    – a est le produit décapant le plus efficace,
    – Donc achetez a et vous serez satisfaits.
    Ne perdons pas notre temps avec ce type d’analyse. Il y a belle lurette que la publicité ne vante plus la satisfaction des besoins, ce qu’elle vise, c’est la satisfaction des désirs, ce qui est complètement différent.
    Un désir, cela n’existe que sous une forme psychique, dans la projection d’un fantasme. Suivons Jean Baudrillard dans La Société de consommation, ses mythes, ses structures. « La machine à laver sert comme ustensile et joue comme élément de confort, de prestige, etc. » La valeur, c’est le confort, le prestige. L’ustensile, c’est une machine qui sert à laver le linge. La beauté, la séduction, la plénitude, le bonheur, l’assurance, la sécurité etc. sont des valeurs.
    La consommation est un système qui assure l’ordonnance des signes et l’intégration du groupe : elle est donc à la fois une morale (un système de valeurs idéologiques) et un système de communication, une structure d’échange.
    L’homme-consommateur se considère comme devant-jouir, comme une entreprise de jouissance et de satisfaction. Comme devant-être heureux, amoureux, adulant/adulé, séduisant/séduit, participant, euphorique et dynamique. C’est le principe de maximisation de l’existence par multiplication des contacts, des relations, par usage intensif de signes, d’objets, par l’exploitation systématique de toutes les virtualités de jouissance. Il n’est pas question pour le consommateur, pour le citoyen moderne de se dérober à cette contrainte de bonheur et de jouissance, qui est l’équivalent dans la nouvelle éthique de la contrainte traditionnelle de travail et de production. L’homme moderne passe de moins en moins de sa vie à la production dans le travail, mais de plus en plus à la production et innovation continuelle de ses propres besoins et de son bien-être. Il doit veiller à mobiliser constamment toutes ses virtualités, toutes ses capacités consommatives. S’il l’oublie, on lui rappellera gentiment et instamment qu’il n’a pas le droit de ne pas être heureux. Il n’est donc pas vrai qu’il soit passif : c’est une activité continuelle qu’il déploie, qu’il doit déployer. Sinon, il courrait le risque de se contenter de ce qu’il a et de devenir asocial ».
    De fait, l’asocial, c’est le marginal qui n’a pas été intégré au système par la consommation. Le sens proprement fonctionnel de l’exclus, c’est être exclus du système de la consommation. Ne pas pouvoir faire comme les gens normaux : aller au supermarché, faire les boutiques, s’habiller selon la mode etc. Quel est le moyen premier d’intégration des jeunes immigrés ? L’utilisation de l’uniforme vestimentaire, l’usage des marques célèbres et reconnues. Pour être bien vu, pour sortir en boîte de nuit, il faut être bien habillé, porter des marques. La marque permet le marquage social des populations, elle est le signe de l’individu bien intégré socialement. Porter l’uniforme d’un consommateur modèle, c’est immédiatement pouvoir s’intégrer dans la société de consommation, qui est la société postmoderne elle-même. Parce que la consommation est la dernière idéologie d’une société qui n’a plus d’idéal, il importe par-dessus tout que, très tôt, celle-ci soit inculquée dans l’esprit des plus jeunes. Pas de doute, la consommation est « une conduite active et collective, elle est une contrainte, elle est une morale, elle est une institution. Elle est tout un système de valeurs, avec ce que ce terme implique comme fonction d’intégration du groupe et du contrôle social. La société de consommation, c’est aussi la société d’apprentissage de la consommation, de dressage social à la consommation ». Le rôle de la publicité est précisément d’effectuer le travail de conditionnement nécessaire à sa propre auto-perpétuation. La publicité est la propagande de l’idéologie de la consommation.
    L’obligation de consommer se verrouille de manière efficace, par la promotion du crédit. « Le crédit est en fait un dressage socio-économique systématique à l’épargne forcée et au calcul économique de générations de consommateurs qui autrement eussent échappé, au fil de leur subsistance, à la planification de la demande, et eussent été inexploitables comme force consommative ». Jamais une société n’a dépensé autant d’énergie, de créativité, d’argent, pour une fin, que la société de consommation pour formater les consommateurs.
    Dans un monde où la technique a connu un tel développement qu’il n’est même plus nécessaire qu’autant de personnes travaillent, le principal souci, ce n’est plus vraiment de fournir du travail, mais surtout de faire consommer. Tout le monde n’est pas travailleur, mais nous sommes tous des consommateurs ! Le seul rôle où l’individu est devenu irremplaçable, c’est celui de consommateur. Ainsi, « l’individu sert le système industriel non pas en lui apportant ses économie et en lui fournissant son capital, mais en consommant ses produits.
    Contrairement à ce que disent certains sociologues, la postmodernité n’est pas dépourvue d’idéologie, elle s’est seulement largement détournée de l’idéologie politique. Une société vit nécessairement sur la base de ses croyances et de ses mythes culturels, donc sur une base idéologique. La conscience collective a ses repères idéologiques. Qu’est-ce qui constitue pour l’essentiel l’idéologie de la consommation véhiculée par la publicité ?
    – Vous êtes à la recherche de v, (de l’identité, du confort, de la joie, de la sécurité etc.).
    – Le produit a, est un moyen facile d’obtenir de v.
    – Il est donc indispensable de vous le procurer, pour acquérir : v (l’identité, le confort, la joie, la sécurité etc.).
    a) Tout d’abord que la consommation se présente comme l’éloge frénétique du progrès, dans une temporalité fiévreuse qui nous lance perpétuellement en avant. C’est merveilleux ce que l’on trouve maintenant dans les vitrines ! On n’arrête pas le progrès ! Tout changement est vu comme un progrès, il faut donc changer pour changer : « votre téléphone va changer, alors changez de téléphone ». D’où l’éloge perpétuel des nouveautés et la disqualification de l’ancien. Il est interdit de vieillir, il faut être « innovant », « tendance », être « glamour » et toujours à la recherche d’un « mieux », « aller plus loin », « bouger », « être à la pointe ». Ce qui se traduit évidemment par avoir toujours plus, l’accumulation prenant la forme de l’innovation et de l’amélioration. Dans cette logique, le quantitatif prend le lieu et la place du qualitatif. La mythologie du progrès légitime et amplifie la consommation (texte).
    b) Il est normal d’éprouver des envies, d’avoir envie de l’envie, la consommation suggère en permanence d’avoir des désirs et le désir des désirs. L’inverse serait inquiétant. Pour démultiplier le désir, il faut donc générer à l’infini de faux désir. Dans les termes d’Edgar Morin dans Terre patrie, « on crée un consommateur pour le produit et non plus seulement un produit pour le consommateur ». Pour cela, la publicité présentera les objets nouveaux comme des besoins essentiels, en cherchant toujours à vous persuader que tout nouveau besoin est même un droit ! Discours jouant sur la culpabilité. Vous avez le droit d’avoir une télévision dans toute les pièces de la maison (voyons, ce serait une honte de vous en priver …!). Tout ce que l’on vous vend est légitime, car correspond toujours à un besoin dont on n’a pas le droit de vous priver. Les publicitaires disent même que le consommateur aime être manipulé. La manipulation est légitime, parce qu’elle répond à un besoin ! (comme le viol, je suppose, qui répond au désir d’être violé).
    L’exaspération du désir crée deux situations limites :
    – Elle crée la frustration constante. Le bon consommateur, c’est le consommateur frustré. Et il est important qu’il le reste. Les gens heureux ne consomment pas. Il faut attiser l’insatisfaction. Il y a toujours une nouveauté qui démode ce que vous venez d’acheter. On fera même en sorte que vous éprouviez ce que les publicistes appellent la déception post-achat (texte). Pour que vous recommenciez à acheter. Et puis, il faut que les aspirations profondes du consommateur soient constamment flattées, mais qu’il se rende aussi compte que finalement, ce n’est pas ce que promettait la publicité. Vous n’aurez pas la plénitude avec un pot de yaourt, ou une crème de beauté. Mais votre désir de plénitude restant frustré, sera prêt à se déplacer sur un autre objet.
    – Elle crée une saturation constante. Elle tue l’envie qui n’a même plus la force de se satisfaire. Dans la saturation, le consommateur ne sait même plus ce qu’il veut et comme il est habitué et drogué à vivre dans des envies, il saisira l’envie qu’on lui proposera. Si bien qu’un centre commercial peut afficher ce slogan « je n’ai d’envie que si l’on m’en donne ». Nous finissons par être saturé de pseudo besoins satisfaits qui nous laissent dans l’insatisfaction, de sorte que la frustration de fond est encore un moteur.
    c) La consommation est un appel au mimétisme collectif. La publicité sous-entend constamment que les gens normaux font « comme ceci » ou « comme cela », que, si vous voulez participer de la convivialité bienheureuse de la société de consommation, il faut faire ceci, ou faire cela. « A quoi allez-vous ressembler cet été ? ». Vous seriez un asocial de ne pas être « tendance ». La consommation est une démocratie festive, consensuelle, c’est « tout le monde se retrouve aux magasins B ». Vous devriez avoir honte de ne pas suivre le mouvement, de ne pas faire comme tout le monde. Il existe un terrorisme psychologique propre au mimétisme qui s’exerce contre celui qui n’est pas à la mode, qui est vieux jeu, rétrograde etc.
    d) La consommation est la célébration du produit. On a exactement ce qu’il vous faut, la solution de tous vos problèmes, le produit miracle qui va tout révolutionner. C’est le produit qui apporte tout, et sans lui, vous n’aurez rien. Et surtout pas par vous-même. Il est indispensable. Il est le passage obligé pour résoudre une difficulté. La publicité fonctionne en faisant admettre constamment que tout peut se résoudre par une simple solution technique qu’il suffit d’acheter. Vous n’avez pas à faire appel à vos propres capacités, à votre créativité, vous pouvez démissionner de vos responsabilités, vous n’avez qu’à vous soumettre à notre discrétion, nous nous chargeons de tout. Nous avons le produit-de-rêve, vous n’avez plus besoin de créer votre propre imaginaire, on va vous vendre du rêve. « Rêvez, nous ferons le reste »(pub). Nous avons le produit-de-beauté, il vous suffit de l’acheter (même si par ailleurs, vous vivez n’importe comment et vous mangez n’importe quoi et que vous dégradez votre corps à grande vitesse). Nous avons le produit-de-santé que vous pouvez avaler (sans changer votre régime habituel). C’est magique. Nous avons le produit-de-l’amour, regardez, c’est marqué partout sur les vitrines. Jamais une société n’a vendu autant d’amour que la nôtre. « La plupart des baisers s’achètent au Monoprix ». Nous avons le produit-de-la-démocratie, regardez à quel point on vous traite de citoyen modèle et à quel point on fait appel à votre sens civique dans les publicités. Il est évident que dans tout autre régime que l’occident de la société de consommation, il ne peut y avoir qu’ignobles dictatures. La démocratie, c’est la société de consommation non ? Et si vous en voulez encore, on peut tout recycler dans la publicité, on a même les produits-de-la-révolution. Les nouvelles lessives sont toujours révolutionnaires, les nouveaux vêtements transgressent toujours les vieilles morales. Rien n’est plus commercial que les slogans de 68 et que les tirades anarchistes. « Il est interdit d’interdire de baisser les prix ». Enfin, le comble, nous avons le produit-identité. Nous avons de quoi vous habiller pour que vous soyez enfin quelqu’un et pas quelconque. Nous avons la panoplie complète du skatter, du racaille, du BCBG, etc. Bien sûr, l’uniforme se paye très cher, entré depuis peu dans le monde du travail, vous aller y dépenser la moitié de votre salaire, mais l’identité, cela se paye par des marques ! « Ici bas, si tu n’as pas d’agent tu n’es rien. Un looser ». C’est ce qui justifie souvent le racket au collège et au lycée et une grande part de la violence sociale, directement liée au conditionnement publicitaire.
    e) La consommation, c’est le bonheur mis au menu. Vous n’avez plus qu’à choisir dans l’étalage des plaisirs qu’on vous offre (enfin, qu’il faudra surtout payer). Surtout, il est indispensable de croire que le bonheur, c’est le plaisir et rien d’autre. Le bonheur est un produit de consommation courante. Le mot a même été acheté par une marque. Mais attention, le plaisir surmultiplié d’une jouissance insatiable, le plaisir consommable, doit être renouvelé en permanence. « Le plaisir, c’est de changer de plaisir ». Il y faut du vertige et de la variété, et pour cela, il faut développer une créativité infinie d’artifices, comme la surenchère des effets spéciaux au cinéma. Il faut aussi alimenter la soif de l’instantané. Le plaisir, cela se consomme et cela se jette, cela se consume très vite. Comme l’orgasme ou la cigarette. Le consommateur veut tout et tout de suite et il n’aime pas le délai. Il mesure le plaisir au caprice. Ainsi va le monde, que la cadence de la consommation ne peut être qu’effrénée, sous peine de laisser réapparaître l’ombre du mal postmoderne par excellence qu’est l’ennui. Il est donc dans la logique même de la consommation, que non seulement elle multiplie les plaisirs, mais aussi qu’elle donne naissance à une véritable industrie du loisir. Le monde postmoderne est un Disneyland social, il tend vers un idéal : le parc d’attraction et ses jeux. La prolifération des jeux est sa manifestation la plus évidente.
    f) La consommation doit devenir une pulsion. Mieux, une compulsion. Plus elle est un réflexe, meilleur est son effet. Et un réflexe, c’est tout le contraire du produit d’une réflexion. Ce réflexe, il est inculqué très tôt dans le bombardement constant de la publicité à la télévision. L’enfant est conditionné très vite. Il sait par cœur toutes les publicités, mieux que les tables de multiplication ou les règles de grammaire. Il les récite dans les cours de récré. C’est lui qui fait un caprice au supermarché pour faire acheter les céréales du clip rigolo que l’on a revu deux cent fois. Le consommateur ne le sait pas, mais sur les rayons, il prend systématiquement ce qui a été programmé dans la publicité. Il exécute les séquences de conditionnement qu’il a soigneusement appris, pendant les heures de dressage devant la télévision, affalé dans le canapé. Il a été habitué à « croquer la vie à pleine dent », mais dans des produits bien ciblés, dans le spectacle constant de la libération des pulsions. Il voit tous les jours la boulimie, la gloutonnerie, le luxe, il est malaxé psychologiquement en permanence par le jeu de la séduction des images. Je le veux, je me l’offre ! Je veux le posséder au plus vite.
    g) La consommation doit falsifier les valeurs. Ce qui pourrait constituer un frein à la consommation, ce serait une réflexion pertinente sur ce qui constitue une véritable valeur. L’intelligence commande de faire la part entre des fausses valeurs et des vraies valeurs, de faire la distinction entre l’illusion et le réel. Mais dans notre système de la consommation, il ne faut surtout pas éveiller la lucidité. Alors, comment tuer la lucidité ? En créant la confusion mentale, en laissant croire que la consommation est moralement bonne, satisfaisante et libre de tout reproche. En récupérant toutes les critiques qui lui sont adressé pour en faire des slogans promotionnels.
    La rhétorique publicitaire est très habile pour y parvenir. Elle se sert abondamment de la méthode dite de récupération. Vous prenez une grande idée, une idée profonde et juste et vous la transformez en incitation consommative donnant un sens grandiose à un acte de consommation stupide. « La liberté, un idée qui est dans l’air »… « La révolution est en marche »… « Changeons le monde »… (mettre à la place des pointillés n’importe quoi, une marque de café, de préservatif, un outil informatique, un paquet de nouilles, cela importe peu). Autre astuce bien connue, la falsification. Elle consiste à détourner une valeur pour lui faire cautionner exactement le contraire de ce qu’elle affirme. Dans un produit de mode, plus c’est snob et sophistiqué, et plus c’est dit « naturel » ! Utiliser un concept appelant à la générosité, pour justifier une conduite égocentrique. Le mangeur de saucisse associé à « quand on aime, on ne compte pas ». Utiliser la dénonciation du capitalisme pour en faire la promotion « Révolutionnez vos placements ». Enfin, procédé constant, l’élimination systématique. Les vertus seront systématiquement discréditées. Dans les clips, la palme revient toujours au cancre et au crétin de la classe, tandis que le bon élève est affublé de binocles épais et ridiculisé. Le sérieux ne tient pas la route face à la dérision systématique : on est cool , on est là pour s’amuser. Comme le dit Beigbeder, la publicité vous apprend à glisser sur la vague, sans voir qu’elle se déplace sur du vide. Elle met en avant l’hédonisme sans complexe, la licence, la permissivité intégrale. Il est interdit de ne pas céder constamment à ses désirs. Ce serait rester coincé, ce qui est socialement culpabilisant. Résister à la mode ? Non il faut « être de son temps ». Accorder de l’importance à la vie intérieure ? Esprit rétrograde. Il faut s’éclater, se montrer et se faire voir dans un uniforme reconnaissable de tous, celui des marques. Plus on est dehors, plus on est extraverti, plus on est postmoderne. Moins on est soi-même, plus on est les autres, sous la forme d’une tribu quelconque, plus on est conforme à l’image idéale du bon consommateur.
    Et ce dernier trait nous reconduit à l’essence. Ne pas être soi, c’est être autre. En latin alienus. Ne pas être soi, pour être perpétuellement autre, c’est être aliéné. L’idéologie qui sous-tend la consommation est une forme d’aliénation. Selon un sociologue contemporain, Paul Ariès, la publicité est passée par trois stades qui marquent une progression remarquable dans l’aliénation.
    – a) Elle a d’abord été réclame, pour vanter la satisfaction des besoins et les mérites d’un produit.
    – b) Puis elle a été un conditionnement inconscient. On a tenté d’utiliser le message subliminal pour faire pénétrer dans l’esprit des suggestions d’achat, sous une forme de répétition incessante. Mais c’était encore une manipulation passive.
    – c) Nous sommes maintenant encore au-delà, nous sommes à l’ère du psycho-marketing. Il consiste à étudier la manière de reprendre les aspirations intérieures du sujet pour les détourner activement vers la consommation. C’est l’ère des marques et du marquage des populations, comme le marquage des troupeaux. Et dans cette ère, la publicité est devenue radicalement idéologique.
    © Philosophie et spiritualité, 2005, Serge Carfantan.

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  2. Alain Minc, dans son dernier livre, annonce la fin proche des élites politiques (ENA, X…) au profit des élites médiatiques (présentateurs télé, sportifs,stars etc…). Pourquoi?
    – les politiques sont en décalage avec les valeurs sociétales actuelles,
    – les élites médiatiques se placent dans un monde de représentation et de notoriété,
    – les élites médiatiques s’inscrivent dans un schéma temporel court : actualité et instant présent, beaucoup plus perceptible pour le quidam, là où le politique planifie à 5 ans.
    Il est normal que le citoyen de base se projette sur ces nouvelles élites, dont les moindres faits et gestes sont étalés dans la presse people.
    Les « classes supérieures » censées pouvoir prendre du recul sur ces phénomènes n’échappent pas à la règle. Si elles veulent maintenir leur statut, elles sont obligées de surenchérir dans la consommation puisque désormais n’importe qui a accès au luxe et aux marques avec le renfort des crédits à la consommation.
    C’est la fuite en avant, tout le monde semble y trouver son compte. A court terme du moins. Notre société perd ses repères, mais quand on en cherche la cause, les gens ferment les yeux sur ces aspects.

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